Documentaire réalisé par Patricio Guzmàn (Chili, France, Espagne)
Ours d'argent meilleur scénario Berlinale 2015
"Si l'eau a une mémoire elle a aussi une voix".
Et pendant le générique de fin nous entendrons la voix d'une descendante des Indiens de Patagonie; (communauté exterminée par les colonisateurs); voix dont la raucité semble s'accorder avec le récitatif en kaweskar . Interviewée plusieurs fois dans le film par le réalisateur, cette femme nomade de l'eau ne trouve pas l'équivalent dans sa langue aux mots "dieu" et "police" (pas besoin...) tout est dit dans cette absence. En filigrane se dessinent deux conceptions de la vie, deux cultures. Mais la plus barbare n'est-elle pas celle qui se prétend "civilisée"?.
Patagonie, Sud Chili . C'est là que nous mène un "bouton de nacre" ultime relique des prisonniers de Pinochet jetés à la mer, morts ou vifs, attachés par des morceaux de rail! Dans "Nostalgie de la lumière" c'était le sol craquelé du désert d'Atacama que les survivants interrogaient, à la recherche de leurs morts.
Autre "bouton de nacre" celui que le colonisateur anglais plus d'un siècle auparavant a payé pour "civiliser" Jemmy Button (mais celui-ci à son retour d'Angleterre aura perdu son identité et la communauté colonisée, sa culture).
Morts indiens, morts de Pinochet. Leur mémoire enfouie dans les profondeurs océanes, Patricio Guzman les fait (re)vivre dans un film fluide comme l'élément liquide, riche en images d'archives, en illustrations et en témoignages, un film où se mêlent harmonieusement science, poésie, histoire et politique ; ici la plénitude bleutée a remplacé l'aveuglante lumière du désert d'Atacama
Voici un bloc de quartz où perle une goutte d'eau. Voici des images de la planète. Une voix off commente, tel le sillage des eaux., elle nous transporte. Voici aussi des photos de visages (que le colonisateur assimilait à des monstres). Dépliées à même le sol (et filmées à la verticale) voici des "cartes imaginaires" (qu'à la fin du film on enroulera dans un coffre marqué du sceau "fragile"). Nous entendons le poète Raùl Zurita Homme à la beauté tragique, qui rappelle ce pays (propos du réalisateur) lui qui fut emprisonné au temps de la dictature évoque avec émotion l'histoire de son pays et dénonce entre autres, les fomentateurs du Mal.
Au final laissons-nous porter par ces hommes déguisés en esprits (photos impressionnantes de Martin Gusinde); Que nous chuchotent-ils? "les morts deviendront des étoiles"!!
Colette Lallement-Duchoze
Un film bien sûr intéressant aussi bien sur la culture disparue de la Patagonie que sur les horreurs de la dictature de Pinochet mais l'ensemble du film fait un peu bric à brac et au fond un peu prétentieux en particulier sur la mémoire de l'eau..
M E le 9/11/2015