30 novembre 2013 6 30 /11 /novembre /2013 07:04

Denis Villeneuve. Avec Hugh Jackman (Keller Dover) , Jake Gyllenhaal (détective Locki) Paul Dano (Alex Jones)

 

 

prisoners.jpg

Ce premier film américain de Villeneuve (le réalisateur de l'admirable "Incendies") est un thriller sombre et majestueux et partant terriblement efficace. Pourquoi?  Grâce à la qualité de l'image tout d'abord. Denis Villeneuve  a choisi comme chef opérateur celui des frères Coen, Roger Deakins. On ne peut rester insensible à ces dégradés de gris,de bleu,  aux nuances de blanc, aux effets de nuit, de lumière. On pourra toujours gloser sur leur fonction spéculaire ou métaphorique  ("personnages bloqués dans les brumes du Styx" "ciels gris comme miroir des eaux troubles où barbote le thriller"). Ce thriller nous entraîne aussi dans des méandres avec d'incroyables rebondissements, jusqu'à nous égarer et nous rendre  prisonniers d'une intrigue aux fils arachnéens (ce dont rend compte la "pièce à conviction" le labyrinthe...) car un repère/indice s'inscrit souvent dans un repaire aux pièges insidieux et désarmants (cave cuisine enclos maison retirée inhabitée égout ) . Le rythme quant à lui fait alterner courses poursuites affolées (en voiture ou dans la recherche du kidnappeur) et moments de pause réflexion (surtout Locki le flic détective); scènes de torture (la plupart toutefois seront hors champ mais ce faisant d'autant plus suggestives) de violence verbale ou physique et d'accalmie (plus rares il est vrai). En luttant contre ce que l'on croit être le Mal absolu (kidnapper des enfants) on en vient à être soi-même bourreau (et juste avant de torturer on s'agenouille en récitant des "pater" ...). Le film oppose ainsi deux attitudes face à  la loi: son respect et sa stricte application (celle qu'incarne le détective) son contournement et le recours à une justice immanente (incarnée par Keller Dover le père d'Anna l'une des deux gamines enlevées; la scène d'ouverture: une forêt le passage d'un élégant chevreuil le coup de feu et les félicitations du père à son fils pour avoir "bien visé" avait déjà permis au spectateur de pénétrer son moi profond..).  Mais le réalisateur pimente son propos en donnant à voir une  autre forme de violence: celle que l'on a subie enfant et que, devenu adulte, on cherche à évacuer ou revivre par des moyens déraisonnables (voir le suspect n°2 et sa collection de  vêtements de gamins "disparus" qu'il tache de sang...animal).

La fin de ce film est délibérément "ouverte" alors que le père est enfermé/prisonnier sous terre... Au spectateur d'imaginer un dénouement... Strident comme le sifflet rouge? (celui-là même que la petite Anna Dover recherchait tout au début du film...)

Et si le Bien était le Mal? ou l'inverse? Ou pour reprendre l'équation d'Incendies mais en l'appliquant à la morale, si 1+1 = 1?  Et les propos du prêtre  "a war against God" n'avaient-ils pas la stridence de la résolution (celle de l'intrigue?)  à moins qu'ils nous soient parvenus  "déformés" à cause de leur voyage dans l'espace Noir?

 

 

 

Colette Lallement-Duchoze

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24 novembre 2013 7 24 /11 /novembre /2013 17:35

De José Luis Valle. Avec Jesus Padilla, Susana Salazar


workers.jpg

 

Un film pour le moins étrange! Il livre avec parcimonie et de manière progressive  les éléments  informatifs, narratifs,  majeurs, (d'ailleurs il restera au final des parts d'ombre). En outre, le recours aux longs plans séquences, aux plans fixes cadrés avec rigueur et le choix d'un rythme lent pourront dérouter voire agacer certains spectateurs...

Il me semble que la séquence d'ouverture (qu'on retrouvera presque identique à la fin) contient le tout. Plan large sur la mer et la grève avec une bande son qui restitue le bruit des vagues; imperceptiblement sur la droite de l'écran se dessine ce qui pourrait ressembler à une digue; puis très lentement apparaît le "mur" de séparation (une femme "minuscule" face à l'énormité de ce rempart, va communiquer avec d'autres -invisibles pour nous- à travers les barreaux); et voici que surgit une tête vue de dos, celle d'un personnage masculin; (à la fin ce sera celle d'un personnage féminin); c'est en fait à travers son regard que se profilait la scène. Révéler peu à peu, lentement. Caméra subjective. Un mur avec toutes ses connotations. Des personnages comme écrasés....N'est-ce pas un message subliminal?

En un montage parallèle, le réalisateur s'intéresse au "destin" de deux "workers": Rafael, balayeur depuis trente ans dans une usine d'ampoules électriques, Lidia domestique au service d'une richissime propriétaire monomaniaque (elle ne vit que par et pour sa "princesse", une chienne lévrier, à laquelle elle léguera tous ses biens). Les gestes du premier, toujours impavide, semblent obéir à un rituel immuable. La seconde plus loquace (encore que...) "semble" attachée à la fois à sa maîtresse et à sa chienne; en tout cas très pragmatique elle donne l'impression de gérer un quotidien absurde. Elle est filmée parfois (sur son lit par exemple) à la façon de Reygadas.

Mais se méfier des apparences!!! La placidité ou/et l'obéissance forcée aux nantis peuvent masquer une révolte. Le film dessine en creux (ou plutôt tel un miroir déformant) une société (nous sommes à Tijuana ville frontière au nord-ouest du Mexique) qui sauvagement déshumanise (le cas de Rafael en est l'exemple le plus probant); alors comment lui résister sinon par une autre forme de "sauvagerie"?...

Exploitation sans vergogne des travailleurs clandestins ou des domestiques, omniprésence des cartels, etc. tous ces problèmes sont traités avec un humour jaune et grinçant (où le cynisme côtoie souvent l'absurde) ce qui a valu au réalisateur le prix du jury, lors du festival international du film grolandais (c'était à Toulouse en septembre)

 

À voir absolument!

 

Colette Lallement-Duchoze

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12 novembre 2013 2 12 /11 /novembre /2013 07:42
d'Edgar Reitz; avec Jan Dieter Schneider, Maximilian Scheidt, Antonia Bill
  
  heimat 1
  
Le réalisateur dédie son film à son frère (voir le générique) frère qui est comme l'alter ego de Jakob (ou l'inverse c'est selon) frère qui rêvait de "partir" mais "souvent les utopistes restent, ce sont les pragmatiques qui partent"...Et parmi ces derniers Gustav, qui aura tout volé à son frère cadet: d'abord la femme aimée (Jettchen) (fin du premier volet) puis le rêve de l'ailleurs -la scène de la bagarre en témoigne: les deux corps qui s'affrontent se détachent dans l'immensité d'un champ; bientôt couverts de boue gisant à même le sol ils semblent ne faire qu'un avec la terre -cette glèbe, cette glaise nourricière...
Quelles sont les conditions requises pour prétendre à l'émigration? On l'apprend dans la scène où Gustav feuillette, récapitule, mémorise toutes les pièces de son dossier; et c'est seulement après x mois que la famille et les habitants du village de Schabbach(?) dans le Hunsrück,  auront connaissance des énormes difficultés auxquelles ont été confrontés les migrants, leurs proches. On ne peut s'empêcher de penser aux réseaux mafieux actuels qui exploitent les rêves des migrants ni aux malheureux qui, bravant les flots, échouent sur la grève...
 
La machine à vapeur (celle mise au point par Gustav avait échoué; Jakob lettré mais aussi esprit scientifique lui adjoindra un régulateur), le courrier échangé entre Jakob et un ponte de Berlin sur des problèmes linguistiques, sémiologiques, témoignent aisément des bouleversements intellectuels et techniques de l'époque (1842, 1844)
 
Comme dans le premier volet du diptyque, on entend en voix off ce que Jakob consigne dans son journal -mais ici jusqu'à une date déterminée- et en surimpression à la calligraphie, sa parole illustrée. Le choix du noir et blanc (hormis quelques incrustations colorées à valeur symbolique), les effets de lumière, l'extraordinaire maîtrise des cadrages, les superbes vues en plongée, l'alternance entre les scènes de village et/ou d'intérieur et les panoramiques sur les paysages ou les vues sur les ciels tourmentés (la nature est un protagoniste à part entière), les profondeurs de champ, mais aussi cette attention qu'Edgar Reitz prête à tous ses personnages ainsi que son art de l'ellipse qui évite pathos et/ou dramaturgie facile,  tout cela concourt à faire de ce second volet de Heimat, une oeuvre magistrale dont le message est "la liberté est d'abord en soi"
 

Gustav et Jakob les deux frères transportent sur un fauteuil leur mère malade Margret, leurs silhouettes se découpent sur fond de paysage; ils s'approchent d'un cerisier et y déposent leur mère; "mère c'est à toi, pour toi tout ce paysage"; et de fait il semble par son immensité et sa permanence, enserrer les humains de son étreinte. (Rappelons que le substantif Heimat est du genre féminin en allemand .... )

 
 
Colette Lallement-Duchoze
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9 novembre 2013 6 09 /11 /novembre /2013 06:37

de -et avec- Valeria Bruni Tedeschi; scénaristes Noémie Lvovsky et Agnès de Sacy .

Film présenté au festival de Cannes (compétition officielle)   

Avec Louis Garrel (Nathan) , Filippo Timi (Ludovic)  Xavier Beauvois (Serge), Marisa Borini (la mère) Céline Sallette (Jeanne) ,  André Wilms (père de Nathan)  

 
 
 
un-chateau-en-Italie.jpg
 
Les malheurs d'une riche famille italienne sur le déclin:
un frère malade; des rapports incestueux frère/soeur, mère/fils; l'ami Serge pique-assiette ....
 
Tout cela reste un peu ennuyeux ..
Malgré le jeu plein de tendresse de Valeria Bruni Tedeschi (dans le rôle de Louise, la soeur ).
 
Une comédie à regarder à la télé éventuellement!
 
 
 
Nicole Rousselet
 
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8 novembre 2013 5 08 /11 /novembre /2013 06:11

Film russe de Youri Bykov (à la fois scénariste, réalisateur, monteur, compositeur et acteur) avec Denis Shvedov, Irina Nizina, Ilya Isayev

 

the major

Vous connaissez l'argument scénaristique: un "major" (commandant de police) en roulant à vive allure vers la maternité où accouche sa femme, renverse et tue un gamin de 7 ans; il appelle ses collègues à la rescousse; on maquillera par des subterfuges les vraies raisons de l'accident quitte à pénaliser la mère endeuillée....

 

Et la machine infernale se met en place; son mécanisme est si "précis" les rouages si bien huilés qu'au moment où Sergey Sobolev, the major, taraudé par le remords ou prenant conscience de l'ignominie, veut se rétracter et faire éclater la vérité, il "est déjà trop tard" ....

On a beaucoup glosé sur ce film comme photographie ou du moins métaphore d'une Russie corrompue; certes Youri Bykov aborde le problème des relations entre la police et le citoyen russe lequel, malgré  sa conscience aiguë d'une corruption généralisée, serait enclin à se résigner...tant les institutions politiques juridiques sont gangrenées, tant les chefs locaux ont pouvoir de vie et de mort...Je préfère (en citant le réalisateur) y voir aussi cette autre dénonciation : le devoir civique a été supplanté voire écrasé par des intérêts claniques, familiaux ou autres  "on ne peut continuer à vivre ainsi" (Y Bykov)  il faut réapprendre à "conserver sa dignité dans des moments cruels"

La mise en scène agressive et/ou glacée, la répartition extérieur (immensité neigeuse) intérieur (commissariat délabré) avec unité de temps (une journée), les personnages filmés de très près (caméra à l'épaule) le recours au floutage (personnages en retrait) la composition musicale de Youri Bykov, tout concourt à faire de ce  film présenté à Cannes (semaine de la critique) une oeuvre noire au coup de poing salvateur (?)

 

 

 

Colette Lallement-Duchoze

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5 novembre 2013 2 05 /11 /novembre /2013 06:17

Premier festival de cinéma 

les 15, 16 et 17 novembre 2013 au Melville  Prix 5 €

 (Association France Palestine Solidarité Rouen)

 

 

 

 

 Festival1

 Vendredi 15

19h   Aïda Palestine, (Till Roeskens) 

          Fix me (Raed Andoni)

          débat à l'issue de la projection avec Wissan Al Haj journaliste et critique de        cinéma "Que peut le cinéma pour la Palestine"?  

 

samedi 16

16h    Cinq caméras brisées (Burnat Davidi)

18h   Téléphone arabe (Sameh Zoabi)

20h    Inch Allah (Anaïs Barbeau Lavalette)

          Débat à l'issue de la projection avec Denis Sieffert de Politis

 

dimanche 17

14h    My land (Nabil Ayouch)

16h    Intervention divine  (Elia  Suleiman)

18h    Sharqiya (Ami Livne)

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30 octobre 2013 3 30 /10 /octobre /2013 08:27

 

Edgar Reitz. Avec Jan Dieter Schneider, Antonia Bill, Maximilian Scheidt

 

 

 

 

heimat-1.jpgComme on a pu le lire, le nouvel opus d'Edgar Reitz sous forme de diptyque est le préquel de la trilogie  Heimat  (25 ans de travail plus de 50 heures de film) dans laquelle le réalisateur évoquait le quotidien de la famille Simon au XX° siècle .

 

Dans "chronique d'un rêve" (suivi de "exode") nous sommes en 1842. Schabbach, Rhénanie (le village de Gehlweiler qui a servi de modèle, a été "reconstitué": maisons existantes recouvertes par des façades et fenêtres anciennes; la plupart des vrais habitants du village ont participé au film comme figurants, jouant devant le pas de leur porte...). Sur fond de misère économique (voire de famine) et d'exploitation outrancière (d'abord occupation française puis potentat de hobereaux tyranniques, ce qui est mentionné au détour de phrases pendant la fête de novembre) beaucoup de paysans sont tentés par un "ailleurs" (il est bon de rappeler que l'Allemagne a été au XIX° un pays d'émigration....). C'est le cas du jeune Jakob (le personnage principal); un "rêveur" plongé dans ses livres de récits amazoniens, au grand dam de son père forgeron qui le tabasse sauvagement. Lui "l'Indien" promène un regard hébété ou illuminé sur tout ce qui l'entoure; lui le 'lettré" semble  vivre en osmose avec la nature; il n'en est pas moins amoureux de Jettchen. Son "rêve? Partir au Brésil; partir avec sa dulcinée  qu'il initie déjà aux arcanes de la langue caycachua! IMais …

 

Le choix du noir et blanc (hormis quelques incrustations de couleurs à la fonction symbolique surtout, voir le gros plan sur la pièce d'or dans la paume de la main de Margarethe la mère) permet de jouer sur les contrastes de lumière, de clair-obscur; celui du format cinémascope, d'insérer les gros plans dans leur "contexte"et non de les détacher. Réalisme dans le traitement des métiers revisités (forge du père, machine à tisser de l'oncle) ou des scènes reconstituées (grande fête populaire villageoise, préparatifs funèbres, vendanges, etc..) tout cela contribue à illustrer de façon convaincante que le cinéma est une "école du regard" avant tout ! 

 

Le titre de ce premier volet? le réalisateur l'explicite lui-même "Notre film parle de la capacité de l’homme à diriger sa vie en fonction de ses utopies, de l’image intérieure d’un paradis, à se libérer du cadre prédéterminé de son existence et des contraintes sociales apparemment imposées par le destin, voilà qui est à nos yeux un de ses élans les plus productifs. Nous dédions ce film à tous ceux qui suivent leurs rêves"

 

Colette Lallement-Duchoze

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19 octobre 2013 6 19 /10 /octobre /2013 12:44

 

de Hany Abu-Assad avec Adam Bakri, Waleed Zuaiter

Prix du jury "un certain regard" festival de Cannes 2013 

 

 

 

 

Omar.jpgVoilà un film "bien ficelé", bien filmé, efficace quant à son déroulement sur fond de conflit israélo-palestinien. D'où la "moue" de certains critiques dans le style "déjà vu...".

 

Je pense qu'il mérite plus qu'un simple satisfecit.

 

1) Le conflit y est montré au ras du sol, dans sa quotidienneté, sans manichéisme affirmé : il y a, bien sûr, la violence de l'occupant d'un côté, mais de l'autre toutes les ambiguïtés de la résistance palestinienne.

  2) Il y a surtout l'évolution du personnage principal, résistant "retourné" par la police israélienne qui oblige à se poser la question : que ferait-on à sa place ?

 

Le mérite du cinéaste est d' avoir su dépasser le caractère classique de ce film (histoire d'amour, courses poursuites  dans les rues...) pour poser "en creux" de vrais problèmes 

 

 

Marcel Elkaim

 

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15 octobre 2013 2 15 /10 /octobre /2013 12:22

Documentaire de Martin Esposito

 

super-trash.jpgCitoyens vous étiez persuadés que vos déchets si minutieusement, si consciencieusement triés, seraient savamment recyclés; détrompez-vous; il n'en est rien. Car c'est en aval -et non en amont- que se situe le problème: une véritable arnaque, une catastrophe écologique! Voilà ce que dénonce avec fougue ce documentaire.

 

Martin Esposito a passé 14 mois dans une décharge au sud-est de la France, celle de Villeneuve-Loubet, lieu géré par une filiale de Véolia. Il a  écrit sans relâche dans sa cabane d'enfance reconstituée, il a  interrogé les employés, il a filmé au plus près ce monde "trash". Et  le documentaire qu'il a réalisé  nous convie à une "visite" d'un "site archéologique du présent" (trash est à prendre dans ses deux sens "corbeille" et "répugnant")

Voici des camions qui déversent des tonnes de nourriture non périmée (elle sort à peine des chambres froides et le réalisateur à plusieurs reprises s'ingénie à "manger" et "boire" quelques-uns de ces produits/ordures...); voici des flots puants d'hydrocarbures, voici des fusées de détresse, du verre, du plastique, et même des cercueils....Des monticules effrayants, aux odeurs méphitiques, où parfois s'engluent des oiseaux. Et tout cela sera "définitivement" enfoui, sous une chape de terre. Mais (et c'est l'image finale) des sacs de plastique volettent - exhumés expulsés des  profondeurs, ou rebelles à l'enfouissement?- et ils font  un pied de nez à la caméra en la "percutant"!

 

La récurrence de certaines images (dégoulinement visqueux des détritus de toutes sortes, moquettes/tapis du festival de Cannes, poupées démantibulées, commande TV, flots d'hydrocarbure avec en voix off "mais c'est de la merde") si elle correspond au ballet incessant des camions (qui se rendent plusieurs fois par jour sur la décharge) n'en reste pas moins trop répétitive. Une caméra qui virevolte jusqu'à donner le tournis, des effets d'accéléré, des commentaires incrustés, des réflexions, des interrogations avec ou sans réponses, des images d'archives (les condamnations réitérées du maire de Villeneuve–Loubet). Tout cela mieux "structuré" aurait pu être convaincant; et que dire de cette omniprésence à l'écran du réalisateur (parfois en gros plan) sinon qu'elle nuit à la "monstration/démonstration"? À moins qu'elle ne métaphorise la volonté d'ingérer son paradis perdu!

 

Colette Lallement-Duchoze

 

Je rappelle que Michael Moore dans son ouvrage "Mike contre-attaque; bienvenue aux Etats stupides d'Amérique" (2002) avait (déjà) consacré un chapitre "Sauve qui peut la planète" à cette catastrophe planifiée!

 

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13 octobre 2013 7 13 /10 /octobre /2013 06:27

de Valeria Golino avec Jasmine Trinca, Carlo Cecchi

 

 

miele.jpgVendre la mort à des personnes malades, souvent en phase terminale, tel est le boulot qu'accomplit Irène (son nom de code est Miele ).  Pourquoi avoir choisi ce "métier", pourquoi faire croire à son proche entourage qu'elle prépare une thèse? Nous ne le saurons pas; mais peu importe. Le personnage se définit précisément par ce mélange de beauté lumineuse et de sombre mystère. Irène (Miele) c'est la vélocité d'un corps qui pédale, c'est la grâce d'une sirène moderne, c'est la sensualité d'un corps habité par le plaisir, c'est la sollicitude auprès d'un père solitaire, bref c'est la Vie. Filmée en gros plans (profil) plans moyens (le buste vu de dos au sortir de l'eau) elle envahit souvent l'écran de son sourire, ou se confond avec les perles de la mer. Miele (Irène) c'est la jeune femme de blanc vêtue, gantée, qui assiste -toujours en retrait- aux derniers instants de ceux qui ont accepté ses services (la scène avec un jeune homme paralysé et quasiment muet est bouleversante d'audace assumée); Miele toujours insiste auprès de ses « patients » pour s’assurer de leur décision. L'euthanasie est un sujet tabou en Italie "bien plus qu'en France" affirme la réalisatrice qui met en évidence -mais par petites touches - tout un trafic afférent au processus d'une mort tarifée (le spectateur dès le début pouvait s'interroger sur les motivations de voyages aux USA puis au Mexique; or c'est dans ce pays que Miele se procure le produit létal...)

 

Mais quand elle découvre une supercherie: un homme a fait appel à ses services alors qu'il est en très bonne santé,  Miele (qui a des "principes", ce qu'elle revendique auprès de Rocco lequel ne s'embarrasse pas de considérations éthiques) se révolte. Et le film bascule; change de direction - l'euthanasie semble servir de prétexte à cette improbable rencontre!!- ; il se focalise sur les relations de plus en plus complexes et intimes à la fois entre Miele et M. Grimaldi;  les deux protagonistes (admirable prestation de Jasmine Trinca et de Carlo Cecchi) se réconcilient avec eux-mêmes avec la vie...

 

La réalisatrice opère souvent par ellipses, elle ne commente pas, elle suggère préférant l'évocation à l'analyse (au spectateur de remplir les interstices voire certaines béances et de se poser les questions d'ordre moral, politique ou religieux) "Personne ne veut mourir. Tous veulent vivre, sauf que leur vie n'est plus une vie" confiera Irène, en larmes sur l'épaule protectrice de Grimaldi 

 

Dans la mosquée Süleymaniye à Istanbul la mince feuille de papier s'est envolée, Irène enturbannée et contemplative a ainsi pu vérifier les allégations de M. Grimaldi sur la construction du dôme. Elle sourit à la Vie tandis que résonne la chanson de Brassens "les sabots d'Hélène"...

 

 

Colette Lallement-Duchoze

 

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Ce blog est destiné à collecter nos ressentis de spectateurs, à partager nos impressions sur les films (surtout ceux classés Art et Essai).

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