22 avril 2018
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06:38
Film d'animation réalisé par Wes Anderson (USA)
Avec les voix, en VO, de Bryan Cranston, Ed Norton et Liev Schreiber. En VF, Vincent Lindon, Isabelle Huppert, Romain Duris.
Ours d'argent du meilleur réalisateur à Berlin
En raison d’une épidémie de grippe canine, le maire de Megasaki ordonne la mise en quarantaine de tous les chiens de la ville, envoyés sur une île qui devient alors l’Ile aux Chiens. Le jeune Atari, 12 ans, vole un avion et se rend sur l’île pour rechercher son fidèle compagnon, Spots. Aidé par une bande de cinq chiens intrépides et attachants, il découvre une conspiration qui menace la ville.
Au son de tambours taïko venez écouter l’histoire du jeune Atari parti à la recherche de son chien de garde Spots, aidé dans sa quête par 5 autres chiens : ces vrais limiers ont la voix d’Edward Norton, Bill Murray, Bob Balaban et Jeff Goldblum les comparses de Wes Anderson.
Ecouter oui voir surtout. Car le film en spot motion est une réussite plastique fabuleuse. Six années de travail pour animer les 1000 marionnettes fabriquées à la main, (visages moulés et peints), évoluant dans 240 décors fabriqués de toutes pièces…
Un découpage chapitré, des flash back annoncés – le récit en sera faussement embrouillé- Couleurs bistre rouille, ou rouge, des nuages de coton au plus fort des bagarres, des vues en plongée ou contre plongée sur l’île immondices, travellings latéraux ou verticaux, mais aussi ces très gros plans sur le maire autoritaire -il envahit l’écran- ou sur cette étudiante américaine qui triomphera de l’intox suite aux recherches du savant Watanabe (tiens tiens encore un sauvetage venu des USA ; ironique ? j’ose l’espérer)
Conte poétique et politique ? Comme on le lit ou entend partout. Certes. Mais s’il est déconseillé aux moins de 13 ans aux USA, aux moins de 8 ans au Royaume-Uni et aux moins de 10 ans en Suisse c’est qu’il évoque aussi le suicide, les transferts d’organes, et que de l’aveu même du réalisateur "Il y a beaucoup plus de sang que dans un film pour enfant".
Comme tous les contes il se prête à une lecture plurielle. Voici une dystopie. Nous sommes en 2037. Le maire autocrate de Megasaki décrète l’état d’urgence suite à une fièvre canine ; tous les chiens seront envoyés sur une île avant la solution finale. Un film en résonance avec une période de l’Histoire du XX° ? Avec celle de Trump aujourd’hui ? Ou encore celle de l’Europe et de son hypocrisie dans le traitement des "flux migratoires" ? La peur panique de l'Autre, l'étranger, si étrange dans son étrangeté? Et la communication/intox n’est-elle pas au coeur de tous les régimes même ceux qui se targuent d’être des modèles de démocratie ???
L’île aux chiens - île de l’exil et de la fronde-, est aussi un hommage au cinéma japonais. Et particulièrement aux films d’animation de Hayao Miyazaki ("Le voyage de Chihiro") et à ceux du réalisateur Akira Kurosawa (" Rashomon " par exemple)
Un film à voir.
Absolument
Colette Lallement-Duchoze
Published by cinexpressions
20 avril 2018
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De Michael Pearce (G-B)
avec Jessie Buckley, Johnny Flynn, Geraldine James
Film présenté à Beaune pour le 10ème festival international du film policier 2018
Sur l'île de Jersey, une jeune femme tombe amoureuse d'un homme mystérieux. Cette rencontre la pousse à fuir sa famille tyrannique. Alors que l'homme est soupçonné de plusieurs meurtres, elle le défend aveuglément.
Pour son premier long métrage Michael Pearce s’inspire d’un fait divers "la bête de Jersey" -dans les années 1960, un tueur en série avait terrorisé l’île anglo-normande.
Une résonance lointaine cependant ; car le réalisateur privilégie la dialectique des forces antinomiques : attraction/répulsion, animalité/humanité ou des contrastes ombre et lumière, en se focalisant sur le personnage de Moll. Un être trouble car ambivalent ; à la fois soumise aux diktats d’une mère marâtre et habitée par une énergie émancipatrice, elle « cache » un secret...Effet spéculaire : son amant Pascal Renouf est tout aussi ambigu….sous ses dehors angéliques. C’est la nature profonde de cette relation qui dans Jersey Affair prime sur l’identité du meurtrier !l Le "suspense et la tension narrative propres au thriller concernent moins le spectateur que les habitants et la famille de Moll (convaincus que le tueur de jeunes filles est son amant).
Et pourtant quelle déception !
Certes de Jersey le réalisateur exploite le caractère cinégique (d’autant que Moll exerce la fonction de guide...) avec ses plages, ses rochers, ses forêts, ses villages, et ses propriétés cossues. Une île qui devient un personnage à part entière jusqu’à devenir par métaphore un « paysage intérieur »
Mais la bande son envahissante, l’abondance de clichés (l’illusion du fantastique surtout), les dislocations temporelles répétées, les faux présages ou les révélations attendues, un étirement inutile aux deux tiers, une scène finale traitée avec « grandiloquence» tout cela concourt à susciter de l’agacement chez le spectateur et non l’adhésion (attendue…) et ce, quoi qu’en dise le pitch un film qui tient en haleine jusqu’au dernier plan...
Colette Lallement-Duchoze
Published by cinexpressions
13 avril 2018
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18:48
De Kore-eda Hirokazu (Japon)
Avec Masaharu Fukuyama, Koji Yakusho, S. Hirose
Shigemori, avocat, doit défendre Misumi accusé de vol et d'assassinat. Ce dernier a déjà purgé une peine de prison pour meurtre 30 ans auparavant. Les chances pour Shigemori de gagner son procès semblent minces, d'autant que Misumi a avoué son crime, malgré la peine de mort qui l'attend s'il est condamné. Pourtant au fil de l'enquête l'avocat commence à douter de la culpabilité de son client ...
Le film s’ouvre sur une séquence que l’on peut qualifier de "réaliste" : dans la pénombre voici deux hommes; on les distingue à peine dans ce plan rapproché; l’un est sauvagement abattu; le plan s’élargit ; le "meurtrier" brûle le corps et vole le portefeuille. Embrasement.
Dès lors le réalisateur va entraîner son spectateur (le seul témoin du crime..) dans un film de procès (le film dit policier émergeant parfois de-ci de-là) où triomphera la thématique du "doute" Le "présumé" meurtrier avoue, impavide et impassible, son crime ; mais l’avocat pénaliste qui mène sa propre enquête pour étoffer sa plaidoirie, va être confronté à tout un réseau presque labyrinthique de présomptions et de doutes (pourquoi la veuve évoque-t-elle un trafic vénal au sein de l’entreprise dirigée par son ex mari ? pourquoi la fille, Sakie handicapée s’ingénie-t-elle à vouloir éviter à Misumi la peine capitale ? A-t-elle été violée par son père ? Pourquoi l’accusé change sa version des faits, se rétracte, jusqu’à hurler son innocence?) Qui manipule? Qui est manipulé? Pour diverses raisons, chacun donne une version des faits erronée, et c’est assez effrayant . Vers la fin, après le verdict , Misumi ironise M Shighemori vous ne m’interrogez pas sur mon vrai mobile ; à moins que la vérité ne vous intéresse pas
The third murder est un film qui dénonce un système judiciaire où la vérité importe peu (Chacun a menti constatera, amère, la jeune Sakie) Misumi essuie une souillure de sang sur sa joue (scène d’ouverture) en écho Sakie à un moment aura le même geste quand dans une reconstitution (mentale?) elle tue le père ; preuves en images ? à la fin l’avocat se surprend à essuyer sa joue, un indice s’y est posé ; or la fleur de cerisier n’éclot que fin avril ; Misumi a-t-il dit la vérité sur la date d’envoi d'une carte postale ? Le geste comme interprétation subjective?
Un film qui frappe par l’absolue maîtrise de la mise en scène (lumières cadrages ambiances) ce qu’accentue le format cinémascope On retiendra surtout les face-à-face au parloir derrière la paroi de verre ; filmant en gros plan les deux visages le réalisateur varie les angles de vue; il ira même jusqu’à superposer et confondre ces deux visages par des jeux de reflets (l’accusé et l’avocat n’ont-ils pas en partage, outre l’exercice claudicant de la "vérité", le poids mal assumé de leur paternité ?)
Lenteur du rythme, ellipses, absence de musique (hormis au début et à la fin celle pour violoncelle et piano signée Einaudi) au service d’une "démonstration" assez subtile, tout cela fait de the third murder un film incontournable ! même s'il déroute certains spectateurs habitués à d'autres thématiques (dont la filiation "tel père tel fils" "notre petite soeur" "still walking") moins prégnantes ici !
Colette Lallement-Duchoze
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13 avril 2018
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Le festival Ciné friendly 2018 se tiendra
du 19 au 21 avril 2018
au cinéma Omnia République ROUEN
lors d’une édition qui promet d’être pleine de surprises tant la sélection en est exigeante. Il sera, pour vous, l’occasion de découvrir de très nombreux longs-métrages en prélude à la cérémonie de remise des prix.
https://www.facebook.com/CineFriendly/
Published by cinexpressions
9 avril 2018
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15:21
Dans son magasin de photographie de Londres, Tony Webster mène une existence tranquille. Sa vie est bousculée lorsque la mère de Veronica Ford, son premier amour, lui fait un étonnant legs : le journal intime d’Adrian Finn, son meilleur ami du lycée. Replongé dans le passé, Tony va être confronté aux secrets les plus enfouis de sa jeunesse. Les souvenirs sont-ils le pur reflet de la réalité ou autant d'histoires que nous nous sommes racontées ?
Ritesh Batra qui nous avait régalés avec Lunchbox a réalisé un film dans un tout autre genre mais de même qualité.
Ici les émois ne sont pas indiens mais bien britanniques, par les mimiques, le campement très middle class anglaise, l’éducation public-school, Cambridge, les belles maisons et quartiers chics de Londres.
Le tempo faussement lent mais plein de rebondissements nous donne le temps de réfléchir au bilan de la vie. Les sexagénaires et plus s’y retrouveront pleinement.
Quelle vision a-t-on de sa propre vie en fin de course ? Réinvente-t-on sa vie au gré d’une mémoire plus ou moins faillible et qui filtre les souvenirs à chacun sa manière ? Ou l’invente-t-on pour échapper aux tourments des remords ?... Quoi qu’il en soit la vision de notre vie est parcellaire mais en est-on conscient ? Beaucoup de questions existentielles parsèment cette histoire d’amour excellemment interprétée par Jim Broadbent en personnage peu bavard, dépassé par ses rencontres féminines et à l’humour très british qui sauve.
Bref un grand moment de plaisir et d’émotions cinématographiques pour le spectateur nostalgique ou pas de son passé.
Un film qui se dévoile avec finesse et élégance.
A voir vraiment !
Serge Diaz
Published by cinexpressions
2 avril 2018
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14:42
De Walid Mattar (France Tunisie)
avec Philippe Rebbot, Corinne Masiero, Kecey Mottet-Klein , Mohamed Amine Hamzaoui
Nord de la France. L’usine d'Hervé est délocalisée. Il est le seul ouvrier à s'y résigner car il poursuit un autre destin : devenir pêcheur et transmettre cette passion à son fils. Banlieue de Tunis. L'usine est relocalisée. Foued, au chômage, pense y trouver le moyen de soigner sa mère, et surtout de séduire la fille qu'il aime. Les trajectoires de Hervé et Foued se ressemblent et se répondent.
Des feux d’artifice que contemple (dubitative) la famille Lepoutre c’est le plan d’ouverture. En écho au final Foued débarque telle une ombre portée, alors qu’il entend au loin le crépitement d’un feu d’artifice….
Glas ou promesse ?
Le film débute comme une chronique sociale (flirtant avec le docu) : délocalisation d’une usine de fabrication de chaussures. Affrontement. Ouvrier depuis plus de trente ans, Hervé ne se sent pas "solidaire" de la lutte syndicale ; il accepte sans trop de réticence la prime de licenciement (30 000 euros ça fait pas cher de l’année…) ; elle va lui permettre de réaliser son rêve : acheter un bateau et pêcher…
Puis nous quittons la région de Boulogne-sur-Mer et nous voici en Tunisie où Foued -un jeune Tunisien qui vit avec sa mère malade- prend le relais d’Hervé….dans l’usine….relocalisée...
Dès lors le récit se mue en une narration croisée où deux trajectoires vont s’entrechoquer sans se rencontrer. Ce type narratif -s’il n’est pas original- aurait pu être efficace. Mais on passe d’une séquence à l’autre de façon artificielle. Bien évidemment il y a des similitudes : et en premier lieu, les méfaits de la mondialisation, du Nord au Sud ; la "robotisation" de l’ouvrier sous la férule d’un chef d’atelier (le rendement avant tout!!l) Et le titre n’est-il pas la métaphore des difficultés, quand on se bat contre des "vents" contraires.
De part et d’autre de la Méditerranée on rêve d’un ailleurs : la pêche pour Hervé, l’amour pour Foued. Des rêves qui vont finir par s’écraser sur la dure réalité (paperasseries et tracasseries administratives pour Hervé, prise de conscience d’une exploitation forcenée éhontée qui conduit Foued à quitter son pays…) Des saynètes mettent en évidence des petits riens qui font la quotidienneté "partagée": dont les pauses café avec les potes ou les repas en famille...
Mais cet effet miroir semble plaqué et ne crée pas la dynamique attendue
Et la récurrence de certains plans (mer et ciel) accentue paradoxalement l’artificialité du procédé!
Cela étant, on ne peut qu’admirer la prestation de Philippe Rebbot : un geste une attitude une fausse distance tout dans le jeu de l’acteur sonne si juste !!!
Colette Lallement-Duchoze
Published by cinexpressions
1 avril 2018
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09:57
De Josef Hader
avec Josef Hader, Pia Hierzegger, Jörg Hartmann Georg Friedrich
Présenté en compétition à la Berlinale
Un célèbre critique musical est brutalement renvoyé de son journal . Le coup porté à son ego est tel qu’il perd tout sens de la mesure cache la vérité à sa femme, et décide de se venger de son ancien employeur , d’une façon aussi abracadabrante qu’inefficace
Josef Hader connu du public autrichien pour ses one-man show (mais nous l’avons vu dans Stefan Sweig) réalise ici son premier film; une fable douce-amère dont l’humour acide ne séduira pas forcément tous les publics. Des rebondissements amusants, des répliques savoureuses, mais aussi des comportements de potache (lacérer la voiture de son supérieur, jeter dans sa piscine un énorme poisson mort, s’exercer au tir, etc..)
Maladroit, Georg est d’abord dans le déni : il cache à sa femme son éviction du grand journal autrichien où il exerçait sa plume acérée et virulente de critique musical (tout le film sera d’ailleurs traversé par la musique de Vivaldi Beethoven Schubert Mozart Schumann Stravinsky comme contrepoint souvent ou déclencheur de sa folie vengeresse) Son talent n’est pas remis en cause mais il "coûte" trop cher…
Puis il entreprendra méthodiquement sa vengeance confronté à des démons insoupçonnés
Dans cette "descente aux enfers" il s’acoquine avec un loser (qui a décidé de restaurer un grand-huit wild mouse -titre original du film- ) Et la fête foraine en plein centre de Vienne, sera point de chute, lieu des épanchements, des étourdissements tout en étant la caricature d’une société "de spectacle" (rappelons ici que l’ex-critique constate avec lucidité et amertume que l’art est devenu un objet de consommation et que les nouveaux chroniqueurs sont des ignares) C'est là sur ce grand-huit, que les personnages sont filmés "à la renverse". Dégingandé, le chômeur semble savourer des secousses inattendues (lesquelles contrastent avec les positions à l’horizontale dans le rapport sexuel que réclame sa compagne de 43 ans pendant sa période d’ovulation….)
A demi nu enfoncé dans le blanc immaculé d’un paysage, (cf. l'affiche) il tente -après avoir échoué à occire son supérieur- de se suicider ….Peine perdue !
La tête à l’envers est l’histoire d’un pétage de plomb ; l’humour qui délibérément rend les personnages antipathiques (mais si l’humanité n’affleure pas, c’est que précisément elle est à lire en creux…) ne suscite jamais un rire franc tant il est comme " décalé" et très souvent "désenchanté"
Certains des personnages dits secondaires sont filmés avec justesse voire empathie (l'actrice Pia Hierzegger qui incarne la compagne psy est désopilante dans son désir de maternité puis dans ses dérapages "contrôlés"...)
Si l’histoire de mon personnage devenu chômeur était transposée dans un milieu ouvrier où les gens sont vraiment confrontés à la privation, il serait bien difficile d’en rire (Josef Hader)
Un film à voir !
Colette Lallement-Duchoze
Published by cinexpressions
31 mars 2018
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07:04
De Sharunas Bartas (Lituanie France)
avec Mantas Janciauskas (Rokas) Lyja Maknaviciute (Inga) Andrzej Chyra (Andrei) Vanessa Paradis
Présenté au festival de Cannes 2017 (Quinzaine des Réalisateurs)
Rokas et Inga un couple de jeunes lituaniens, conduisent un van d'aide humanitaire depuis Vilnius jusqu'en Ukraine. Ils découvrent un monde en guerre entre ruines et vies dévastées...
Découvert grâce au festival du cinéma nordique il y a plus de 20 ans -Sharunas Bartas avait d’emblée séduit le public rouennais : intrigue arachnéenne, primat de l’émotion sur la narration, science des cadrages, longs plans fixes contemplatifs, admirable beauté formelle. Si dans le dernier opus l’intrigue paraît "simple": un jeune couple lituanien se rend en Ukraine à bord d’un van humanitaire, on ignorera les motivations profondes qui ont poussé Rokas et Inga à entreprendre ce "voyage" hormis cette pulsion scopique revendiquée "voir la guerre au plus près…); de même que tout en étant un film de guerre et sur la guerre (Sharunas Bartas avoue « comprendre » les Ukrainiens car son propre pays fut envahi par deux fois en 1939 et 1991 par les Russes) le réalisateur montre essentiellement l’envers de la guerre : ces coulisses où palabrent des journalistes de différents pays dans un hôtel luxueux d’un autre âge, des maisons éventrées, des bourgs désertés, les passages dangereux de check-point, les contrôles
L’itinéraire est certes ponctué de rencontres (et de débats sur la légitimité de prendre les armes au nom de la patrie par exemple) et ces étapes sont une respiration/ponctuation, mais le parcours est aussi (et surtout) un cheminement intérieur dont la glace la neige le gel vont devenir progressivement le mausolée (la dernière séquence est à tous égards sidérante de beauté formelle et de symbolisme…)
Le réalisateur aime filmer en gros plans les visages mais (et c’est là une constante) le regard ne saurait se substituer à la parole muette. Car le protagoniste semble regarder vers un ailleurs, rechercher une présence qui se dérobe à l’écran et que ce faisant le spectateur ne saurait capter…il n’en reste pas moins désireux de.pénétrer ces arcanes....
Si dans seven invisible men un road movie nous entraînait en Crimée vers cette "cabane" qui abritait une proto humanité, le van de Rokas et Inga nous fait traverser des espaces enneigés avec cette attention si particulière à des pans de ciel, ou de forêts, jusqu’à la destructuration de l’espace, (des stries qui griffonnent l’écran) jusqu’à la confrontation qui lie étroitement amour et mort ; l’étreinte amoureuse épousant celle de la mort....
Colette Lallement-Duchoze
Published by cinexpressions
17 mars 2018
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11:35
A Casablanca, entre le passé et le présent, cinq destinées sont reliées sans le savoir. Différents visages, différentes trajectoires, différentes luttes mais une même quête de liberté. Et le bruit d’une révolte qui monte…
Moins dérangeant que son film précédent qui frappait très fort contre un Maroc machiste aux préjugés tenaces, Nabil Ayouch continue néanmoins, dans Razzia, à témoigner de son amour pour ce pays tout en dénonçant l’Islamisme intolérant et ses origines en 1981 avec l’arabisation de l’enseignement.
Le parti pris de suivre cinq personnages sert son propos politique, celui de montrer comment des minorités qu’elles soient religieuses (un juif) ethnique (un instituteur berbère) ou sociologique (un jeune musicien homosexuel), une jeune adolescente de 15 ans des quartiers riches, une femme mariée pulpeuse aux désirs d’émancipation, une berbère du haut Atlas qui élève seule son enfant..., comment, donc, toutes ces minorités forment une majorité en quête de liberté, d’épanouissement personnel.
La caméra du réalisateur glisse à merveille d’une trajectoire à l’autre, les scènes se chevauchent sans toujours se toucher. Il y a une grand habileté de la mise en scène et du montage qui rend ce voyage accrochant.
Néanmoins on peut regretter que ce choix de scénario d’assembler un ensemble de trajectoires différentes mais qui s’unissent par le propos, laisse une impression de survol et perd quelque peu en force tragique.
Cela dit, le talent du réalisateur, son amour bienveillant pour les personnages qu’il filme, son courage face à la censure de son pays, nous font aimer ce film très éclairant pour comprendre comment le monde gronde et ce qu’il annonce dans ce pays du Maghreb qu’on croit habituellement connaître.
Serge Diaz
Un prologue saisissant! (1982; montagnes de l'Atlas)
"Qu'importe la langue si vous leur ôtez la voix/ Qu'importe la foi si vous leur ôtez les rêves"
Et nous allons assister - 2015- à une razzia, un pillage des rêves, un durcissement de l'ordre, main basse sur cette ville de Casablanca à la fois chaotique et débordante d'énergie!!!!
Un film à voir!
Colette
19/03/2018
Published by cinexpressions
16 mars 2018
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06:59
De Benoît Jacquot
avec Isabelle Huppert (Eva) Gaspard Ulliel (Bertrand) Julia Roy (Caroline) Richard Berry (Régis agent éditeur) Didier Flamand (le père de Caroline) Marc Barbé (mari d'Eva)
Tout commence par une tempête de neige. Eva, troublante et mystérieuse, fait irruption dans la vie de Bertrand, écrivain prometteur. Cette rencontre va bouleverser Bertrand jusqu’à l’obsession et le fera glisser jusqu’à sa perte.
Librement adapté du roman de James Hadley Chase, le film de Benoît Jacquot (présenté au festival de cinéma de Berlin) peine à émouvoir et à convaincre. Même Isabelle Huppert surjoue dans le glacé, transformant en roman-photo ce que d’aucuns nomment un "thriller"
Inutile de comparer ce film avec celui de Losey (1962) pour mettre en évidence les divergences, inutile de le comparer avec Elle de Paul Verhoeven pour répertorier les ressemblances….Certains s'y emploient allègrement
Osons l'affirmer sans ambages : Eva est un film raté
La séquence d’ouverture qui sert de prologue -et qui, ce faisant, doit encoder le film- est beaucoup trop longue, dénaturant ce que précisément elle révèle ; le passage du métro, l’essoufflement du " gigolo", la baignoire, le vol du manuscrit au titre éloquent "le mot de passe", l'auteur un vieux britannique "has been" en Angleterre trop " dark" en France; tous ces "aspects" trop étirés "montrent" en le martelant ce qu’ils auraient dû suggérer
Dès lors c'est le dévergondage d'effets spéculaires : la dualité des personnages (Eva en outre doit changer de look selon qu’elle est prostituée ou bourgeoise amoureuse d’un mari emprisonné), leurs impostures,-que chacun " flaire" chez l’autre- leurs masques et faux semblants ; Eva la mère à tuer par un Oedipe moderne qui persiste à voir en elle la Muse inspirée et inspirante- ; la scène vécue et son adaptation littéraire; les miroirs qui renvoient ad libitum les images du couple détonant; le passage récurrent du train (allées et venues entre Paris et Annecy),
Jusqu’à une certaine façon de filmer: Un tête-à-tête? déplacement trop rapide de la caméra d’un visage à l’autre…censé illustrer une tension intérieure. Que dire de ces ralentis et de ces fondus au noir ? Les décors : théâtre, casino, hôtels, chalet, parloir de la prison s’ils se prêtent aisément à certaines ambiances - par les variantes de couleurs et de lumières- sont filmés de façon telle qu’on a la désagréable impression d’assister à un théâtre filmé (un mauvais théâtre d'ailleurs qui culmine dans la scène de repas avec les parents de Caroline...)
Reste la lumière hivernale
mais une lumière dé-vitalisante
Colette Lallement-Duchoze
Published by cinexpressions