de Gu Xiaogang (Chine)
avec Qian Youfa, Wang Fengiuan, Sun Zhangian
Festival de Cannes, Semaine Internationale de la Critique
Le destin d’une famille s’écoule au rythme de la nature, du cycle des saisons et de la vie d’un fleuve.
Le titre de ce premier long métrage (et premier volet d'une trilogie) est emprunté à la peinture de Huang Gongwang (1347 1350). Elle a la forme d’un long rouleau qui oblige celui qui la regarde à découvrir le paysage progressivement
Connaissez-vous la peinture shanshui ? Demande à ses élèves le jeune enseignant (et futur époux de Gu Xi). Montagnes (shan) et eau (shui).
Et voici que se déploie en de longs plans séquences et de longs travellings -à l’instar d’un rouleau d’estampes- un film où la caméra s’est muée en pinceau. Le réalisateur "peint" une nature en variant les approches (angles de vue) et les couleurs (au gré des saisons) tout en célébrant son inaltérable beauté. (le camphrier aux branches noueuses qui se parent de flocons blancs, le camphrier réceptacle des vœux des jeunes mariés; l’eau étale ou légèrement embuée, l’eau reflet des frémissements humains; la montagne bleutée en arrière-plan, complétude et immanence)
Et en écho à ce long travelling latéral où l’on suit en temps réel un double trajet (celui du nageur et celui de Gu Xi qui apparaît disparaît sous les vertes frondaisons) voici en parallèle une chronique familiale. Une mère âgée, quatre fils : l’aîné tient un restaurant avec son épouse, il est le père de Gu Xi, le second, pêcheur, vit sur un bateau avec sa femme et leur fils Yangyang, le troisième célibataire travaille dans le bâtiment et le quatrième joueur flambeur tricheur, a la charge de son fils trisomique Kangkang. Une famille comme microcosme de la société chinoise : problèmes intergénérationnels, (la mère de Gu Ki s’oppose farouchement à son mariage mais ses propos comminatoires seront frappés d’inanité), bouleversements qui affectent le tissu urbain (démolition, constructions à Hangzhou "avoir vécu 30 ans dans cet immeuble que l’on détruit en quelques minutes" déplore la femme du pêcheur), problèmes financiers de "survie", lutte d’une classe moyenne contre le "boom" économique, nouvelle loi sociétale...
Face aux bouleversements d'un pays en mutation, la famille ne serait-elle pas un bastion protecteur à sauvegarder? L'abondance des dialogues évoquant le passé, le commentaire de photos jaunies par le temps, témoigneraient aisément d'une volonté d'enracinement ; passé et présent réconciliés dans l'instant de ce futur proche, où le fugace a la permanence de l'éternel
Séjour dans les monts Fuchun marie avec élégance somptuosité et réalisme le plus intime et le plus universel.
Une fresque -sens propre et figuré- aussi fluide dans sa mise en scène que le fleuve Fuchun.
Un film à voir absolument
Colette Lallement-Duchoze