Film russe de Youri Bykov (à la fois scénariste, réalisateur, monteur, compositeur et acteur) avec Denis Shvedov, Irina Nizina, Ilya Isayev
Vous connaissez l'argument scénaristique: un "major" (commandant de police) en roulant à vive allure vers la maternité où accouche sa femme, renverse et tue un gamin de 7 ans; il appelle ses collègues à la rescousse; on maquillera par des subterfuges les vraies raisons de l'accident quitte à pénaliser la mère endeuillée....
Et la machine infernale se met en place; son mécanisme est si "précis" les rouages si bien huilés qu'au moment où Sergey Sobolev, the major, taraudé par le remords ou prenant conscience de l'ignominie, veut se rétracter et faire éclater la vérité, il "est déjà trop tard" ....
On a beaucoup glosé sur ce film comme photographie ou du moins métaphore d'une Russie corrompue; certes Youri Bykov aborde le problème des relations entre la police et le citoyen russe lequel, malgré sa conscience aiguë d'une corruption généralisée, serait enclin à se résigner...tant les institutions politiques juridiques sont gangrenées, tant les chefs locaux ont pouvoir de vie et de mort...Je préfère (en citant le réalisateur) y voir aussi cette autre dénonciation : le devoir civique a été supplanté voire écrasé par des intérêts claniques, familiaux ou autres "on ne peut continuer à vivre ainsi" (Y Bykov) il faut réapprendre à "conserver sa dignité dans des moments cruels"
La mise en scène agressive et/ou glacée, la répartition extérieur (immensité neigeuse) intérieur (commissariat délabré) avec unité de temps (une journée), les personnages filmés de très près (caméra à l'épaule) le recours au floutage (personnages en retrait) la composition musicale de Youri Bykov, tout concourt à faire de ce film présenté à Cannes (semaine de la critique) une oeuvre noire au coup de poing salvateur (?)
Colette Lallement-Duchoze