de Valeria Golino avec Jasmine Trinca, Carlo Cecchi
Vendre la mort à des personnes malades, souvent en phase terminale, tel est le boulot qu'accomplit Irène (son nom de code est Miele ). Pourquoi avoir choisi ce "métier", pourquoi faire croire à son proche entourage qu'elle prépare une thèse? Nous ne le saurons pas; mais peu importe. Le personnage se définit précisément par ce mélange de beauté lumineuse et de sombre mystère. Irène (Miele) c'est la vélocité d'un corps qui pédale, c'est la grâce d'une sirène moderne, c'est la sensualité d'un corps habité par le plaisir, c'est la sollicitude auprès d'un père solitaire, bref c'est la Vie. Filmée en gros plans (profil) plans moyens (le buste vu de dos au sortir de l'eau) elle envahit souvent l'écran de son sourire, ou se confond avec les perles de la mer. Miele (Irène) c'est la jeune femme de blanc vêtue, gantée, qui assiste -toujours en retrait- aux derniers instants de ceux qui ont accepté ses services (la scène avec un jeune homme paralysé et quasiment muet est bouleversante d'audace assumée); Miele toujours insiste auprès de ses « patients » pour s’assurer de leur décision. L'euthanasie est un sujet tabou en Italie "bien plus qu'en France" affirme la réalisatrice qui met en évidence -mais par petites touches - tout un trafic afférent au processus d'une mort tarifée (le spectateur dès le début pouvait s'interroger sur les motivations de voyages aux USA puis au Mexique; or c'est dans ce pays que Miele se procure le produit létal...)
Mais quand elle découvre une supercherie: un homme a fait appel à ses services alors qu'il est en très bonne santé, Miele (qui a des "principes", ce qu'elle revendique auprès de Rocco lequel ne s'embarrasse pas de considérations éthiques) se révolte. Et le film bascule; change de direction - l'euthanasie semble servir de prétexte à cette improbable rencontre!!- ; il se focalise sur les relations de plus en plus complexes et intimes à la fois entre Miele et M. Grimaldi; les deux protagonistes (admirable prestation de Jasmine Trinca et de Carlo Cecchi) se réconcilient avec eux-mêmes avec la vie...
La réalisatrice opère souvent par ellipses, elle ne commente pas, elle suggère préférant l'évocation à l'analyse (au spectateur de remplir les interstices voire certaines béances et de se poser les questions d'ordre moral, politique ou religieux) "Personne ne veut mourir. Tous veulent vivre, sauf que leur vie n'est plus une vie" confiera Irène, en larmes sur l'épaule protectrice de Grimaldi
Dans la mosquée Süleymaniye à Istanbul la mince feuille de papier s'est envolée, Irène enturbannée et contemplative a ainsi pu vérifier les allégations de M. Grimaldi sur la construction du dôme. Elle sourit à la Vie tandis que résonne la chanson de Brassens "les sabots d'Hélène"...
Colette Lallement-Duchoze