Documentaire de Martin Esposito
Citoyens vous étiez persuadés que vos déchets si minutieusement, si consciencieusement triés, seraient savamment recyclés; détrompez-vous; il n'en est rien. Car c'est en aval -et non en amont- que se situe le problème: une véritable arnaque, une catastrophe écologique! Voilà ce que dénonce avec fougue ce documentaire.
Martin Esposito a passé 14 mois dans une décharge au sud-est de la France, celle de Villeneuve-Loubet, lieu géré par une filiale de Véolia. Il a écrit sans relâche dans sa cabane d'enfance reconstituée, il a interrogé les employés, il a filmé au plus près ce monde "trash". Et le documentaire qu'il a réalisé nous convie à une "visite" d'un "site archéologique du présent" (trash est à prendre dans ses deux sens "corbeille" et "répugnant")
Voici des camions qui déversent des tonnes de nourriture non périmée (elle sort à peine des chambres froides et le réalisateur à plusieurs reprises s'ingénie à "manger" et "boire" quelques-uns de ces produits/ordures...); voici des flots puants d'hydrocarbures, voici des fusées de détresse, du verre, du plastique, et même des cercueils....Des monticules effrayants, aux odeurs méphitiques, où parfois s'engluent des oiseaux. Et tout cela sera "définitivement" enfoui, sous une chape de terre. Mais (et c'est l'image finale) des sacs de plastique volettent - exhumés expulsés des profondeurs, ou rebelles à l'enfouissement?- et ils font un pied de nez à la caméra en la "percutant"!
La récurrence de certaines images (dégoulinement visqueux des détritus de toutes sortes, moquettes/tapis du festival de Cannes, poupées démantibulées, commande TV, flots d'hydrocarbure avec en voix off "mais c'est de la merde") si elle correspond au ballet incessant des camions (qui se rendent plusieurs fois par jour sur la décharge) n'en reste pas moins trop répétitive. Une caméra qui virevolte jusqu'à donner le tournis, des effets d'accéléré, des commentaires incrustés, des réflexions, des interrogations avec ou sans réponses, des images d'archives (les condamnations réitérées du maire de Villeneuve–Loubet). Tout cela mieux "structuré" aurait pu être convaincant; et que dire de cette omniprésence à l'écran du réalisateur (parfois en gros plan) sinon qu'elle nuit à la "monstration/démonstration"? À moins qu'elle ne métaphorise la volonté d'ingérer son paradis perdu!
Colette Lallement-Duchoze
Je rappelle que Michael Moore dans son ouvrage "Mike contre-attaque; bienvenue aux Etats stupides d'Amérique" (2002) avait (déjà) consacré un chapitre "Sauve qui peut la planète" à cette catastrophe planifiée!