2 mai 2024 4 02 /05 /mai /2024 03:51

d'Elise Girard (France/Japon 2023)

 

avec Isabelle Huppert Tsuyoshi Ihara August Diehl

Japon, aujourd'hui. Sidonie Perceval, écrivaine française reconnue, est en deuil. Son mari est décédé. Invitée au Japon pour la réédition de son premier livre, elle est accueillie par l'éditeur local qui l'accompagne à Kyoto, la ville des sanctuaires et des temples. Au cours de leurs voyages parmi les fleurs du printemps japonais, elle commence lentement à s'ouvrir. Mais le fantôme de son mari ne l'abandonne pas. Sidonie devra faire table rase du passé pour se laisser aimer à nouveau

Sidonie au Japon

Aura-t-on assisté à un rêve éveillé, tourné les pages d’une brochure touristique sur papier glacé? (cf la polysémie du titre …)   

Le hall de l’aéroport, ceux des hôtels, les rues, tous ces lieux que l’on imagine habituellement noirs de monde sont ici quasiment « vides », habités par la seule présence de Sidonie, de son éditeur Kenzo Mizoguchi et… du « fantôme »… du mari défunt. Est-ce pour métaphoriser la solitude, leur solitude ?

Tel un frémissement sur l’eau ou un battement d’ailes…la mise en scène aura précisément cette gracilité quasi aérienne qui contraste avec la compacité de ces buildings que découvre tout au début Sidonie Perceval. Et sur le visage de l’actrice Isabelle Huppert -sa pâleur, ses grands yeux, son sourire ou son rire- on saura lire, ce qu’elle ne dit pas explicitement…

De rencontres en rencontres (celles imposées pour la dédicace) de confidences en confidences (quand bien même au Japon la tradition bannit l’épanchement des sentiments ce que rappelle doctement l’éditeur) de découvertes en découvertes, de déambulations en déambulations (ces lieux magiques dont les somptueux paysages du Kansai, les biches du parc de Nara, les temples) d’acceptations en acceptations (un mari si proche et pourtant immatériel, fantôme impalpable, dispensateur d’une philosophie du  "consentement au bien-être, au vivre mieux" ) le voyage de Sidonie va se métamorphoser, au Japon -archipel des "fantômes et de la spiritualité"- ,  en un "voyage initiatique"  "sortir du deuil, et renaître"  Incapable d’écrire, dans la douleur de la perte, l'écrivaine était venue faire la promotion d’un bestseller réédité (l’Ombre portée : traumatisme lié à la perte des parents et du frère dans un accident de voiture) ; progressivement son être va se détacher des limbes qui le retenaient  "captif"  Quelle lenteur ! quelle douceur ! Elise Girard les filme avec élégance, une science du cadrage, des tons des couleurs, du détail infime révélateur, et la présence récurrente de certains objets ; le thème musical (Bach ?) participe lui aussi de cette élégante simplicité et du "réalisme poétique" 

Un voyage d’où n’est pas exclu le burlesque, l’humour pince sans rire -cocasserie de situations due au décalage entre les deux cultures japonaise et occidentale ou à la présence acceptée d'un fantôme au verbe et au comportement facétieux!-

Le terme "cliché" est à prendre parfois au sens propre (cf la scène d’amour traitée en une succession de "photogrammes" comme autant d’instantanés de la volupté, de réappropriations de son propre corps, comme sublimation du désir enfin  "retrouvé"…) alors que les "clichés"  traditionnels associés au Japon (gastronomie codes et rituels) dans leur collision avec l’altérité sont source d’amusement ou que le défilé de paysages "sublimes" (forcément sublimes…) en arrière fond de l’habitacle des voitures/taxis ou à travers les vitres d’un compartiment de train sont censés prolonger la délicatesse des estampes (ces oiseaux graciles filmés comme au ralenti par un travelling latéral) ..

Un film à ne pas manquer !

 

Colette Lallement-Duchoze

Partager cet article
Repost0

commentaires

Mode d'emploi

Ce blog est destiné à collecter nos ressentis de spectateurs, à partager nos impressions sur les films (surtout ceux classés Art et Essai).

Envoyez vos articles ou vos réactions à: artessai-rouen@orange.fr.

Retrouvez aussi Cinexpressions sur Facebook

 

 

Recherche