2 mai 2024 4 02 /05 /mai /2024 15:51

de David Schickele 1971 USA  (film en noir et blanc restauré)

 

avec Paul Eyam Nzie Okpokam, Elaine Featherstone

 

 festival international de Chicago 1971 Best first feature 

 

jamais diffusé en France 

En 1968, Martin Luther King est assassiné et la guerre du Biafra entraîne une terrible famine. Gabriel a fui le Nigéria et vit à San Francisco, au contact de la communauté afro-américaine comme des milieux bohèmes blancs. Dans ces États-Unis très agités des Sixties, sa vie d'exil est jalonnée de rencontres, d'escapades et d'errances, mais il reste habité de souvenirs et de la nostalgie du village de son enfance. Bientôt, son visa arrive à expiration.

Bushman ou 

Le périple américain de Gabriel, un immigré nigérian dans le San Francisco de la fin des années 60... jusqu'à ce que son interprète (Paul Eyam Nzie Okpokam) se retrouve lui-même renvoyé du territoire

Bushman

Voici Gabriel (interprété par Paul Eyam Nzie Okpokam) exilé en Californie professeur à l’Université (la guerre civile dans son pays est palpable et dans les propos et dans les photos d’archives de cadavres jonchant les rues) ; et d’ailleurs l’alternance Californie/Nigéria, pays « d’accueil » et « pays d’origine », avec des parallèles d’un continent à l’autre, sera comme la colonne vertébrale de ce film où les différents récits de Gabriel vont mettre comme en exergue la double thématique douleur de l’exil et illusion de l’intégration, ce que permet le croisement entre « récit oral » et «récit filmé »

 

La scène d’ouverture encode le film (comme très souvent les prologues d’ailleurs) Pieds nus sur le goudron un homme (les baskets sur la tête) avance dans l’immensité d’un paysage post industriel… ; puis il est pris en stop par un biker lequel lui pose la question « comment résister aux seins nus des filles de ton pays » (comment le cliché est préjugé racial, comment la « contre-culture » américaine est elle-même imprégnée du racisme ambiant…)

 

Nous suivons -au fil de ses récits- ses déambulations, ses errances où s’entrechoquent différentes temporalités (le flash-back est traité en simultanéité avec l’instant présent). Faisant fi des « convenances » Paul/Gabriel dit avec humour parfois (le visage envahit l’écran alors que se dessine l’ironie sur les lèvres) à la fois l’incompréhension face à ses « frères » (des Blancs… à la peau noire) et le traitement infligé par la « plus grande démocratie » du monde aux Noirs exilés L’acteur Paul Eyam Nzie Okpokam en sera lui-même la victime (dans le dernier tiers du film quand il n’apparait plus à l’écran et que son sort -accusation bidon, prison, maltraitance, expulsion - est relaté en voix off par le réalisateur Schickele  … (rappelons que ce cinéaste était alors considéré alors comme un des représentants du cinéma direct, ce courant qui entendait, dans les années 70, montrer la vérité par l’artifice, obtenir le spontané par la mise en scène, une sorte de procédé revendiqué auparavant par les tenants français de ce qui s’appelait alors le cinéma vérité dont un des grands théoriciens fut Jean Rouch)

 

Si le contenu des différents «récits » filmés est varié -réaliste, empreint d’onirisme, franchement documentaire-, la récurrence de ce plan fixe où l’acteur assis face à la caméra « raconte » … sa jeunesse au Nigeria -  crée précisément une rupture  - uniquement formelle-  avec le flux des séquences (on retiendra celle du dandy en kimono qui lui fait des « avances »-comme un écho aux « invitations » du père Salomon au Nigeria, celle de la danse au rythme de « respect » d’Aretha Franklin ou encore celle où sa partenaire blanche le félicite de ne pas avoir été perverti par la « culture américaine » ; de même on sera guidé par le regard du protagoniste fixant cette affiche publicitaire -éloge de la femme noire occidentalisée au brushing « impeccable »- dans le bar où il est avec son amie noire (cf affiche…)

 

Les Blancs considèrent cet immigré comme une « bête de cirque » -sur laquelle le cas échéant on projette ses fantasmes, l’administration comme un « être nauséabond » à éliminer, alors que la « communauté noire américaine » a une vision spécieuse et faussée du continent africain, tout cela dans un contexte de racisme mortifère (USA 1968 assassinat de Martin Luther King); et de guerres civiles en Afrique (notamment entre la province sécessionniste du Biafra et le pouvoir fédéral du Nigeria)

Gabriel/ Paul bushman pour l’éternité ?

 

Voilà ce que dénonce David Schickele (1937-1999) dans ce film tourné en 1968

 

Un film qui ne souffre nullement du mélange fiction documentaire et réalité documentée

 

Un film d’une grande liberté formelle (montage et ton) et dont le contenu résonne encore dans notre actualité

 

UN FILM A NE PAS RATER  

 

Colette Lallement-Duchoze

 

 

( séances Omnia jeudi 20h20 salle 8; samedi 18h15 salle 8, dimanche 11h  salle 3 et mardi 14h salle 6)

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