12 novembre 2013
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07:42
d'Edgar Reitz; avec Jan Dieter Schneider, Maximilian Scheidt, Antonia Bill
Le réalisateur dédie son film à son frère (voir le générique) frère qui est comme l'alter ego de Jakob (ou l'inverse c'est selon) frère qui rêvait de "partir" mais "souvent les utopistes restent, ce sont les pragmatiques qui partent"...Et parmi ces derniers Gustav, qui aura tout volé à son frère cadet: d'abord la femme aimée (Jettchen) (fin du premier volet) puis le rêve de l'ailleurs -la scène de la bagarre en témoigne: les deux corps qui s'affrontent se détachent dans l'immensité d'un champ; bientôt couverts de boue gisant à même le sol ils semblent ne faire qu'un avec la terre -cette glèbe, cette glaise nourricière...
Quelles sont les conditions requises pour prétendre à l'émigration? On l'apprend dans la scène où Gustav feuillette, récapitule, mémorise toutes les pièces de son dossier; et c'est seulement après x mois que la famille et les habitants du village de Schabbach(?) dans le Hunsrück, auront connaissance des énormes difficultés auxquelles ont été confrontés les migrants, leurs proches. On ne peut s'empêcher de penser aux réseaux mafieux actuels qui exploitent les rêves des migrants ni aux malheureux qui, bravant les flots, échouent sur la grève...
La machine à vapeur (celle mise au point par Gustav avait échoué; Jakob lettré mais aussi esprit scientifique lui adjoindra un régulateur), le courrier échangé entre Jakob et un ponte de Berlin sur des problèmes linguistiques, sémiologiques, témoignent aisément des bouleversements intellectuels et techniques de l'époque (1842, 1844)
Comme dans le premier volet du diptyque, on entend en voix off ce que Jakob consigne dans son journal -mais ici jusqu'à une date déterminée- et en surimpression à la calligraphie, sa parole illustrée. Le choix du noir et blanc (hormis quelques incrustations colorées à valeur symbolique), les effets de lumière, l'extraordinaire maîtrise des cadrages, les superbes vues en plongée, l'alternance entre les scènes de village et/ou d'intérieur et les panoramiques sur les paysages ou les vues sur les ciels tourmentés (la nature est un protagoniste à part entière), les profondeurs de champ, mais aussi cette attention qu'Edgar Reitz prête à tous ses personnages ainsi que son art de l'ellipse qui évite pathos et/ou dramaturgie facile, tout cela concourt à faire de ce second volet de Heimat, une oeuvre magistrale dont le message est "la liberté est d'abord en soi"
Gustav et Jakob les deux frères transportent sur un fauteuil leur mère malade Margret, leurs silhouettes se découpent sur fond de paysage; ils s'approchent d'un cerisier et y déposent leur mère; "mère c'est à toi, pour toi tout ce paysage"; et de fait il semble par son immensité et sa permanence, enserrer les humains de son étreinte. (Rappelons que le substantif Heimat est du genre féminin en allemand .... )
Colette Lallement-Duchoze