De Sergueï Paradjanov (URSS/Ukraine 1966) en copie numérique restaurée
Avec Ivan Mikolaitchouk (Ivan), Larissa Kadochnikova (Maritchka), Tatiana Bestaïeva (Palagna), Nikolaï Grinko (Vatag, le berger), Leonid Engibarov (Miko, le muet), Spartak Bagachvili (Youra, le sorcier)
Chef opérateur Youri Ilienko
Dans un village houtsoul situé au cœur des Carpates ukrainiennes, les jeunes Ivan et Marichka s’aiment passionnément malgré la rivalité et la haine qui opposent leurs deux familles. Devenu adulte, Ivan décide de partir dans les alpages pour gagner sa vie, promettant à Marichka de revenir dans un an pour l’épouser. Victime d’un terrible accident, cette dernière se noie en voulant rejoindre son amoureux dans les montagnes. Ivan va alors sombrer dans le désespoir le plus total, obsédé par le souvenir de sa promise…
Une construction en 12 chapitres, -(titres en lettres cyrilliques) aux enchaînements parfois elliptiques- une caméra virevoltante pour un visuel poétique et émotionnel, un accompagnement sonore époustouflant (musique symphonique, chants, sons particuliers des trembites et guimbardes,) Les chevaux de feu adapté d'une nouvelle de l'écrivain ukrainien Mykhaïlo Kotsioubynsky est un « drame poétique » (cf avertissement du prologue) à (re)découvrir !
Laissez-vous emporter dans ce tourbillon de plongées et contre plongées, de décadrages de panoramiques de travellings audacieux, laissez-vous subjuguer par cette immense fresque colorée, où toutes les sensations seront sollicitées. C’est que dans le format a priori réducteur (4,3) éclate le délire baroque du cinéaste Paradjanov. sa volonté d’exploiter toutes les ressources du cinéma afin de faire fusionner la culture houtsoule, avec ses rites croyances, sa sorcellerie, ses costumes, son artisanat - une tragédie -celle de l’amour contrarié plus fort que la mort, une cosmogonie où Eros et Thanatos forces chthoniennes et apolliniennes sont en osmose, une métaphysique qui tend à l’universel sur fond d’animisme – qui fait la part belle aux chevaux ….avec un rythme parfois endiablé, mais aussi des pauses délicates -où le visage de l’aimé rejoint celui de la disparue dans l’élément liquide, où la toilette mortuaire d’Ivan a la puissance sculpturale de hauts reliefs ou de la mise au tombeau,…où le recours aux plans fixes est dédié soit aux cérémonies – célébration religieuse mariage enterrement comme pour figer un rituel intemporel-, soit à ces visages traités tels des icônes -et le tout dernier plan a la force suggestive d’un polyptique
Le sang du père d'Ivan (qui vient d’être tué par le père de Marichka) éclabousse l'écran et fait apparaître les chevaux de feu..... Violence et onirisme : ce plan ne contient-il pas le principe formel de tout le film -dont le "rouge" est la ponctuation ?
Depuis Les Carpates oubliées de Dieu et des hommes terre des Houtsoules (chapitre 1) jusqu’à La Piéta (chapitre 12) en passant par La vie quotidienne (chapitre 6) ou le sorcier (chapitre 9) vous l’aurez compris c’est moins le scénario qui prime que la force explosive de l’image, la prééminence de visions oniriques fantastiques empruntées très souvent à la peinture : la nature devient l'art et l'art devient nature.
Nous autres cinéastes, devons prendre des leçons chez les peintres tels que Bruegel, Arkhipov, Nesterov et également chez les modernes et les primitifs - chez eux la couleur n'est pas seulement l'ambiance, une émotion complémentaire. Elle fait partie du contenu (extrait de l'interview de Paradjanov parue dans Les lettres françaises 1966)
A ne pas rater!!
Colette Lallement-Duchoze
NB Présenté dans la section OMNIclassique séances samedi 19h45, (salle 4) dimanche 10h50 (salle 2), lundi 16h15 (salle 2) , et mardi 17h45 (salle 1)