De Laura Correira (G-B Portugal 2024)
avec Joana Santos, Inês Vaz, Neil Leiper, Ola Forman
Festival premiers plans Angers 2025 prix Bouvet Ladubay d’interprétation féminine
Aurora, immigrée portugaise en Ecosse, est préparatrice de commandes dans un entrepôt où son temps est chronométré. Au bord de l'abîme de la paupérisation et de l’aliénation, elle se saisit de toutes les occasions pour ne pas tomber
Le film s’ouvre sur une théorie d’employés vus de dos -masse compacte déshumanisée- puis la caméra filme individuellement certains d’entre eux en train de pointer avant de passer le tourniquet. Dès lors nous allons suivre le quotidien d’Aurora dans une docu fiction que l’on serait tenté de comparer aux films de Ken Loach,(d’ailleurs sa société Sixteen Films a produit On falling) et dont, alerté par le titre, on attendrait l’inéluctabilité d’une « chute » …
Aurora ! Cette employée d’origine portugaise qui travaille en Ecosse sur une plate-forme d’e commerce est de tous les plans. Picker, munie de son appareil de contrôle - ses pas entre autres sont comptés..- traînant son chariot, elle arpente les allées de cet immense hangar (produits à détecter en rayon puis à scanner avant d’être livrés à travers le monde) Travail répétitif cadence contrôlée solitude abyssale La cinéaste (née en 1994 au Portugal et qui vit en Ecosse) en capte la rébarbative répétitivité jusque dans ses minimes variations Répétition de gestes identiques, à l’extérieur aussi, (en voiture aux côtés de sa compatriote, dans la cuisine d’un appartement en colocation ou dans sa chambre minuscule) comme si le tempo imposé obéissait à un « rite » celui d’une réification (le fond sinon les bas-fonds)
Stressée par la cadence Aurora semble maquiller son désarroi par ce sourire qui illumine son visage ; ou a-t-elle provisoirement du moins fait sienne une condition déshumanisante -l’esclavagisme des temps modernes ? L’interprétation toute en retenue de Joana Santos n’exclut pas un questionnement. Hors les travées dans l’appartement qu’elle partage entre autres avec un Polonais, on devine que ses revenus ne lui permettent pas de manger « normalement » les « espaces » dédiés à la cuisine (étagère frigo) sont sinon désespérément vides du moins susceptibles de ne satisfaire que le strict minimum. Et quand elle doit réparer son téléphone portable le seul authentique compagnon de tous les instants, elle est vite démunie financièrement… Aussi accepte-t-elle une bière voire un repas, et même une sortie en boîte…
Ah cette solidarité, cette bienveillance : le colocataire polonais, la compatriote qui après un entretien d’embauche réussi, va retourner au Portugal et souhaite sincère le même sort à Aurora, le gardien du square -et le gros plan sur cette main qui s’agrippe comme à une bouée de sauvetage dans le silence vespéral a la puissance d’un élixir de vie.., Elle était là gisant à même le sol, masse inerte, celle qui n’avait pas su lors de l’entretien d’embauche « répondre » aux attendus ou qui s’était inventé les plages inondées de soleil des Bahamas, …
La dernière séquence où l’on voit des employés jouer au ballon sur le lieu de travail (la plate-forme est exceptionnellement à l’arrêt…) se prête à une lecture plurielle : les mains et avant-bras comme détachés dans l’espace, filmés en apesanteur, les rires comme nouveau syllabaire, le ballon et son envolée, le ballon captif, mais à l’instar de cette réunion où avec outrecuidance on vantait l’investissement de la plate-forme dans des actions de mécénat (oui oui…) et sollicitait la générosité des employés, cette fausse récréation n’a-t-elle pas le goût dévastateur d’une sirupeuse illusion ?
Un film à voir !
Colette Lallement-Duchoze
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