30 octobre 2025 4 30 /10 /octobre /2025 05:22

De Simon Mesa Soto (Colombie 2025)

 

 

Avec Ubeimar Rios (Oscar) Rebecca Andrade (Yurlady) Guillermo Cardona (Efrain) Allison Correa(Daniela) Margarita Soto (Teresita) Humberto Restrepo (Alonso)

Musique Matti Bye Trio Ramberget

 

Festival Cannes 2025 Prix du Jury Un Certain Regard

L’obsession d’Óscar Restrepo, pour la poésie ne lui a pas apporté la gloire. Fantasque et vieillissant, il a succombé au cliché du poète maudit. La rencontre avec Yurlady une adolescente aux origines modestes en qui il voit un potentiel grandissant, apporte un peu de lumière à son quotidien. Cependant l’entraîner dans le monde des poètes n’est peut-être pas la meilleure voie à suivre

 

 

Un poète

 Je suis poète (Oscar)Tu es chômeur (rétorque la sœur)

Explorer l’art de l’intérieur : que signifie créer? les enjeux ? les limites ? Car n’en doutons pas,  même "indépendant" l’art (le cinéma en l’occurrence et en particulier) est une industrie avec son marché ses compromis. Or avec ce deuxième long métrage le cinéaste affirme avoir voulu revenir à quelque chose de plus pur : un art brut plus viscéral  moins mécanique et c’est à ce moment-là qu’est née la poésie . A Medellin sa ville natale il a rencontré moult poètes débrouillards, punks , authentiques ; assisté à ces lectures de poésie quasi intemporelles.  C’est le substrat de ce film qui avec humour (noir et pince-sans-rire) met en évidence des dilemmes (les siens ?) à travers la relation Oscar /Yurlady

Tourné en 16mm (donner une allure désuète presque  "vintage")  découpé en 5 chapitres (dont les titres en caractères blancs se détachent sur fond rouge à l’instar de l’affiche) ce film oscille en permanence entre comédie et drame, parodie et tragédie. Clins d’œil aux comédies à la Woody Allen ? La clarinette à la fois parodie et hommage au monde des poètes new-yorkais? alors que le personnage d’Oscar originaire de Medellin, déteste G M Marquez,  se fait passer pour Bukowski et idolâtre José Asunción Silva  Certes. Peut-on  "transformer"  l’autre (au statut social moins privilégié) en matière première pour son œuvre ?

Oscar semble avoir perdu toute illusion ; en déshérence il traîne avec mollesse ou rage un taedium vitae bien imbibé...  Et  Yurlady -dont il a découvert les talents d'écriture - avoue dans la missive destinée à la fille Daniela  écrire pour le simple plaisir loin du marché ou de la reconnaissance publique) Or elle représentait pour le sexagénaire  la figure d'une double substitution:  filiale (Daniela la fille dont il est séparé l'évite, le rabroue) et  existentielle  (amener  la collégienne douée  là où lui-même a échoué, le vivre comme par procuration) 

Filmés caméra à l’épaule, les personnages (la mère d’Oscar la famille de Yurlady en particulier) ont l’humanité touchante qui fait fi du misérabilisme ; en cela ils s’opposent aux collègues d’Oscar (poètes ou pantins ?) qui après la « soirée de gala littéraire » le laisseront seul face aux accusations de « pédophile »   

Mais surtout la prestation d’Ubeimar Rios -anti-héros, loser très digne comme le rappelle sa mère "Tu es un ivrogne, mais tu es noble" restera dans les annales ; dégingandé et comme désarticulé, le visage peu amène, le rire en rictus, parfois repoussant comme Michel Simon, il incarne avec brio cette catégorie d’êtres cabossés qui ne pouvant s’adapter au monde , lui insufflent la fraîcheur d’une brise salutaire

A voir

 

Colette Lallement-Duchoze

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