De Maura Delpero (Italie 2024)
avec Giuseppe di Domenico (Pietro), Tommaso Ragno (Cesare Graziadei le père) , Martina Scrinzi (Lucia) Sara Serraiocco (Anna Pennisi) Roberta Rovelli (la mère) Rachele Potrich (Ada) Anna Thaler(Flavia) Patrick Gardner : (Dino)
Grand Prix du Jury de la Mostra de Venise 2024
Dans les derniers mois de la Seconde Guerre mondiale, Pietro, un déserteur sicilien, trouve refuge auprès d’une grande famille de Vermiglio, une bourgade du Trentin nichée au cœur des Alpes. Cesare, le patriarche et instituteur du village, accepte d’abord d’héberger l’étranger qui a sauvé la vie de son neveu. Or, l’arrivée de Pietro bouleverse la dynamique familiale lorsqu’il s’éprend de Lucia, la fille aînée.
Vermiglio ou la chronique d’une famille (les Graziadei) d’un village (Vermiglio) enclavé dans la rudesse des montagnes du Trentin, d'une microsociété au lendemain de la seconde guerre mondiale.
Hiver 1944 retour du neveu accompagné de son sauveur Pietro -un déserteur sicilien -… accepté par le "patriarche" mais sa présence va tout bouleverser !
Ce qui frappe d'emblée est la lenteur du rythme. Rythme scandé par les saisons (les 4 de Vivaldi ?). Saisons qui sont aussi des états d’âme (le printemps et la liesse du mariage par exemple ) . Etats d'âme des personnages que l’on verra souvent filmés en des postures théâtrales voire figées en plans fixes. Rythme scandé aussi par les naissances et les départs, par les allées et venues du facteur. Les plans traités comme des tableaux se succèdent en tableautins (Cesare et l'école, le café du village, l'église, les intérieurs de la maison familiale) , tableaux à la composition très soignée, (cadrage répartition dans l'espace effets de la lumière premiers et arrière plans) mais qui rappelle trop souvent (hélas !) le chromatisme des cartes postales.
Les trois plans qui se succèdent en ouverture- chambre où repose dans un même lit la sororité- Lucia l’aînée trayant la vache -petit déjeuner partagé, illustrent de façon explicite une façon de filmer et de « raccorder » : la constance dans l’implicite; fluidité dans la succession malgré une ellipse temporelle ;et le raccord sera assuré soit par un personnage, soit par la musique (le père aime Chopin et Vivaldi…quitte à investir son argent dans les nouveautés plutôt que "nourrir" sa smala comme le lui reprochera sa femme) soit encore par un commentaire (à noter que les "infos" venues de l’extérieur sont souvent lues, paraphrasées ou expliquées par les enfants ; quête de savoir ( ?) ou forme de métalangage qui s’incorporerait à celui de l’image (image à lire à deux niveaux ?)
Ce film peut ainsi se lire comme un album de famille que l’on feuillette (certaines photos le seront en catimini à l’instar de celles cachées dans un tiroir du bureau du père, à l’instar des non-dits, des « désirs » inavoués, comme autant d'appels de la chair
Certes on devine la tendresse de Maura Delpero pour ses personnages (sa caméra caresse le ventre arrondi, surprend des regards furtifs, accompagne la révolte de Dino toujours blâmé par le père (excellent Tommaso Ragno, en Cesare omnipotent) ou le retour à l’animalité fangeuse de Lucia (Martina Scrinzi) la mariée… outrageusement trompée ! Certes la cinéaste accorde un rôle majeur aux femmes (la mère et les trois sœurs), certes par-delà l’histoire d’une famille c’est bien l’Italie mussolinienne rurale qui est suggérée
Toutefois ce drame familial et historique à la fois, se présente plus comme un «enchaînement » (parfois entremêlement) de cartes postales où la froideur de l’environnement (linceul de neige en hiver , verticalité dévorante des arbres dans leur compacité émeraude au printemps, etc..) et la « distanciation » des interprètes le disputent en âpreté à la succession de souffrances et/ou de désillusions ; mais surtout et c’est là où le bât blesse , ce film tant vanté –il concourait d’ailleurs pour les Oscars -, n’a-t-il pas tendance à s’enliser dans une forme de facilité voire de complaisance ?
A vous de juger !!
Colette Lallement-Duchoze