D'Alonso Ruizpalacios (Mexique USA 2024)
avec Raúl Briones (Pedro) Rooney Mara (Julia) Anna Díaz (Estela ) Motell Gyn Foster (Nonzo ) Laura Gómez (Laura) Oded Fehr (Rashid) James Waterton (Mark)
Prix Barrière du 50e anniversaire Festival du cinéma américain de Deauville 2024 :
Présenté en avant-première mondiale au 74e festival international du film de Berlin le 16 février 2024.
Grand prix festival A l’Est Rouen ( mars 2025 )
C’est le coup de feu dans la cuisine du Grill, restaurant très animé de Manhattan. Pedro, cuisinier rebelle, tente de séduire Julia, l'une des serveuses. Mais quand le patron découvre que l’argent de la caisse a été volé, tout le monde devient suspect et le service dégénère.
Adapté de la pièce The Kitchen d’Arnold Wesker, ce huis clos ( l’essentiel se passe dans les coulisses du restaurant The Grill) au rythme parfois échevelé, serait-il le microcosme d’une société ? Les cuisines sont un bon moyen de comprendre les dynamiques que nous vivons dans les rues, Ce sont des lieux où la pression est très très forte (...) (propos du cinéaste)
Une séquence dans le train, l’arrivée à Manhattan c’est le prologue. Nous suivons Estela (Anna Diaz), qui vient de quitter le Mexique pour New York, elle ne parle pas anglais, elle doit contacter un certain Pedro. Cette séquence liminaire informe à la fois sur une façon de filmer (images déformées, noir et blanc, format de l’image 4,3) et sur les espoirs de migrants (des sans-papiers) habités par le "rêve américain" . Déboussolée, Estela sera paradoxalement "notre guide" (dans un premier temps) de même qu’elle sera de bout en bout témoin abasourdi plus qu’acteur.
Bienvenue dans les coulisses de la cocina (titre original) où s’affairent cuisiniers et serveuses-, avec cette répartition des tâches que Pedro revendique avec fierté et …violence. Empiéter sur ses "plates-bandes" ? Chacun à (a) sa place. …
Voici une "micro société" en ébullition (et le mot est à prendre dans ses sens propre et figuré) Même si une intrigue amoureuse (et un prétendu vol) sert de "fil conducteur" (relation frénétique elle aussi entre le cuisinier rebelle Pedro d’origine mexicaine et la serveuse Julia (américaine), c’est bien le multilinguisme (Albanais Italiens Mexicains), le métissage (Blancs, Noirs, ) l’exploitation des "sans papiers" , les "tensions" au sein des relations humaines qui sont mis.es constamment en exergue et le contraste entre une main d’œuvre étrangère (que l’on berne par des promesses jamais tenues) et le calme quasi flegmatique des "convives" (rares incursions dans la salle de restaurant) n’en sera que plus saisissant… …
Effervescence -propre à une fourmilière- soutenue par le rythme souvent endiablé, le thème musical lancinant –(Tomas Barreiro) , c’est ce qu'illustre un long plan séquence impressionnant : serveuses qui ne cessent de courir, cuisiniers affairés chacun dans un espace exigu, chorégraphie des plateaux qui s’entrechoquent, cliquetis des caisses enregistreuses…Tout doit aller très très vite…Frénésie qui contraste avec les temps de pause en extérieur (on clope on se raconte ses rêves et l’un va servir de "révélateur": le "rayon vert" (seule couleur dans le noir et blanc si l'on excepte le bleu de la chambre froide) Le vert et sa polysémie - couleur subjective, reflet de l'état d'âme de Pedro, couleur de l’espoir, couleur de la carte (green card) brandie comme un sésame -car on peut douter de la sincérité de Pedro…
Cela étant, n’y a-t-il pas quelque surenchère dans le traitement de l’image (ses déformations et anamorphoses), quelque complaisance dans celui de la "relation prétendue amoureuse" , quelque insistance inutile dans la séquence de l'inondation au coca-cola -quand bien même il s'agirait de la métaphore du "débordement" du gaspillage inutile, -ou dans celle de "pétage des plombs", alors que le thème de l'avortement -si prégnant dans le film- est traité uniquement du point de vue de Julia et souvent dans ses non-dits....
Colette Lallement-Duchoze