De Delphine et Muriel Coulin (2024)
avec Vincent Lindon, Benjamin Voisin, Stefan Crepon
Adapté du roman de Laurent Petitmangin "Ce qu'il faut de nuit" (2020)
Mostra de Venise prix Volpi d'interprétation masculine pour Vincent Lindon
Pierre élève seul ses deux fils. Louis, le cadet, réussit ses études et avance facilement dans la vie. Fus, l'aîné, part à la dérive. Fasciné par la violence et les rapports de force, il se rapproche de groupes d'extrême-droite, à l'opposé des valeurs de son père. Pierre assiste impuissant à l'emprise de ces fréquentations sur son fils. Peu à peu, l'amour cède place à l'incompréhension
Voici un noyau familial à trois têtes où les regards (très éloquents cf la récurrence des gros plans sur les visages) vont supplanter progressivement le discours, la parole (après ses réactions épidermiques et l’affrontement avec son fils le père se mure dans le silence tout comme au moment du procès le fils choisira de « se taire » ; la parole in fine sera hors champ et réservée à Louis mais …dans un autre film).
L’essentiel est moins l’histoire d’une emprise (comment pourquoi Fus est séduit par l’idéologie de l’extrême droite dans le contexte économique social et politique de l’Est) que le cheminement fait de tâtonnements de questionnements d’un père (politiquement situé plutôt à gauche) complètement déboussolé par les « dérives » de son fils ; un père qui au moment du procès s’en vient battre sa coulpe pour n’avoir pas su, pas pu empêcher la tragédie…
Nuances et changements de tonalité (on peut passer de l’euphorie, des rires au regard quasi haineux) réalisme des situations (les petits déjeuners pris à la va vite, le trajet en voiture, l’endormissement sur le canapé face à l’écran qui déverse à flux continu les infos du moment…) un tempo qui fait alterner séquences sur vitalisées et pauses prolongées, une façon de filmer très organique quasi viscérale
Oui tout cela pourrait séduire et qui sait, entraîner l’adhésion.
Or dès les deux séquences d’ouverture -où deux corps sont filmés successivement en des contextes et des couleurs contrasté.es– on devine de par leur durée insistante, que prévaudra l’héroïsation des acteurs/personnages Et de fait ce corps démultiplié dans ses contorsions sportives savamment chorégraphiées (Fus est fan de foot) et cet autre tel un fantôme éclairant la nuit de sa lampe torche (Pierre est chef mécanicien de nuit à la SNCF) sont magnifiés en icones (on aura droit à de très gros plans prolongés sur la stature de Vincent Lindon ou sur le torse et le visage de Benjamin Voisin) ; même l’élément mécanique, l’imposante machine, est exhaussé en puissance irrésistible …
Une « monstration » par trop expressive au service d’une « démonstration » ???
De plus malgré des ellipses (temporelles surtout) il y a des étirements inutiles, souvent proches de la complaisance et contre-productifs -à mon humble avis
Colette Lallement-Duchoze