De Gustav Möller (Danemark 2023)
avec Sidse Babett Knudsen (Eva) Sebastian Bull (Mikkel) Dar Salim (Rami)
74ème festival international du film de Berlin (février 2024)
Prix Sang neuf au 4e Festival du film policier de Reims.
Synopsis: Eva gardienne de prison est confrontée à un dilemme quand un jeune homme qu'elle reconnaît, est transféré dans son établissement pénitentiaire. . Sans dévoiler son secret, elle sollicite sa mutation dans l'unité du jeune homme, réputée comme la plus violente de la prison.
Rappelez-vous « the guilty » ce premier long métrage de Gustav Möller qui avait emporté notre adhésion ! (cf The Guilty - Le blog de cinexpressions ) Dans Sons nous sommes de nouveau plongé(s) dans une atmosphère anxiogène celle d'un huis clos, hormis qu’ici il s’agit du milieu carcéral et plus particulièrement du quartier haute sécurité -enfermement à la fois physique et mental que renforce le choix du format 4,3- A la puissance du son, de la parole, s’est substituée celle du regard (regard des deux protagonistes, relayé jusqu’au voyeurisme par les œilletons des portes de cellules et les caméras de surveillance). L'intrigue ? Une confrontation savamment dosée, (montée de la tension, son acmé et sa chute) un face à face entre deux « monstres » et le constat amer conclusif de Rami « on ne peut sauver tout le monde »
Voici une matonne -quasiment la seule femme dans un univers d’hommes-, une gardienne de prison dévouée, aimant son métier, (cf les premiers plans où en ouvrant la porte de chaque cellule Eva salue d’un sourire et d’un mot bienveillant chaque détenu) Mais elle a un secret ….et il va ressurgir avec l’arrivée d’un taulard extrêmement dangereux Mikkel Elle demande à être affectée dans l’unité de ce jeune homme. Le sourire a déserté son visage, le regard s’est durci et simultanément cette matonne au-dessus de tout soupçon (admirablement interprétée par Sidse Babett Knudsen, l’héroïne de la série Borgen entre autres) commet les pires actes haineux, motivés par une soif vengeresse (on pense à Camille dans la pièce Horace de Corneille « donne moi donc barbare un cœur comme le tien…tigre altéré de sang) Placide et perverse, elle nargue, transgresse les règles du code carcéral, sadique elle prend plaisir à humilier, jusqu’à un retournement de situation (en faveur de l’autre monstre…mais ne pas spoiler) Face à elle un abominable taulard, un « monstre » de cruauté sanguinaire que la présence maternelle (au parloir du moins) semble atténuer , un monstre « lucide » avec Eva …
Passons outre quelques invraisemblances, ou quelques facilités scénaristiques. Mais force est de constater que malgré une interprétation talentueuse (avec une économie de moyens Sidse Babett Knudsen rend compte de la complexité torturée et torturante de son personnage) , malgré une dramaturgie (sens du récit) exemplaire (avec ses alternances de tension extrême et d’accalmie, l’absence de temps mort, le caractère imprévisible du comportement de Mikkel) malgré les jeux d’abyme (les deux prisons, Eva et Mikkel cherchant à se « réparer l’un à travers l’autre ( ?) il manque ce « je ne sais quoi » qui entraînerait une totale adhésion….
Colette Lallement-Duchoze