15 novembre 2023 3 15 /11 /novembre /2023 06:54

d'Anna Jadowska (Pologne 2022)

 

avec Dorota Pomykała,  Adam Bobik,  Bogdan Koca,  Awa Wycichowska,  Piotr Gadomski

 

 

Prix d'interprétation féminine Festival Trebeca 2022

Mirka, sage-femme d'une soixantaine d'années, mène une vie irréprochable auprès de son mari et de leur fils. Pourtant, un matin, quelque chose change. Après s'être levée tôt, avoir étendu le linge et acheté de la nourriture pour ses poissons, elle tente de braquer une banque armée d'un couteau de cuisine. Son geste désespéré échoue mais l'oblige à reconsidérer sa vie.

Une femme sur le toit

Lent travelling latéral sur une façade de HLM (où la compacité couvre les 2/3 du cadre) puis travelling ascendant et arrêt au dernier étage : c’est là que vit Mirka, une sexagénaire dont la pâleur et la couleur pastel de son vêtement se confondent avec celles utilisées de bout en bout par la réalisatrice (quand ce n’est pas le blanc laiteux omniprésent du milieu hospitalier)  Une « trappe » permet d'accéder  au toit, un toit qui non seulement « surplombe » (vue en plongée) mais définit la « limite » (entre vie et trépas…) ; limite que les pieds nus de Mirka seraient prêts à franchir ?

Comme le film est avare en informations, que l’essentiel doit se lire (se deviner) sur un regard interrogateur, sur des gestes, sur le corps (l’actrice est de tous les plans quand elle n’envahit pas l’écran) -  le langage corporel est l’unique langage- : le spectateur devra se contenter de questionnements. Et ils pullulent.

Mirka commet un acte « délictueux » : assise face à l’employée de banque elle brandit  un couteau de cuisine et dit calmement  « c’est un hold-up »......A partir de ce geste (alors que le braquage n'a pas abouti...) , tout un mécanisme répressif va se mettre en place (convocation, interrogatoire, garde à vue, incarcération, séjour en HP, procès etc). Le mari souffre plus du qu’en dira-t-on, que de la douleur de son épouse, le fils prépare son départ pour la Grande-Bretagne. Mirka perd son emploi de sage-femme. Ô douleur non encore éprouvée ! Et pourtant !

Ce film librement inspiré d’un fait divers, et qui a été récompensé au festival du film de Tribeca 2022 (prix d’interprétation pour Dorota Pomykała) est l’histoire « d’une émancipation tardive » ; le parcours de Mirka -qui au final parviendra à « prendre de la hauteur » et ce faisant le titre acquerra une autre signification, illustre le statut de la femme sexagénaire dans la société polonaise (endettement poids des traditions soumission) Le cas d’une jeune parturiente, à la clinique où exerce Mirka, dit aussi expressément l’oppression de la femme soumise à un « devoir de maternité »

 

Le choix du « monochrome », de la pâleur blafarde, avec une surexposition de la lumière pourra déplaire à certains (qui contestent l’esthétisation de la rudesse et de la précarité). Or n’est-ce pas pour mettre en évidence l’invisibilité d’un personnage ? Mirka (admirable Dorota Pomykała) accomplit les gestes quotidiens routiniers, dans un silence sidéral, dans une atmosphère éthérée, sans que son entourage proche ne se rende compte de son profond mal-être. Solitude et aveuglement ! La lumière de la saison estivale est inquiétante (hormis en ces instants furtifs où le corps de Mirka allongée se confond avec la blondeur des épis)

C’est le soleil « noir », celui de l’évanouissement, de l’enfouissement avant le « sursaut » final.

Une « lueur » d’espoir après une longue marche (funèbre) ?

 

 

Colette Lallement-Duchoze

 

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