De Shinji Sōmai, (japon 1993)
avec Tomoko Tabata, Junko Sakurada, Kiichi Nakai
La jeune Renko a onze ans lorsque le divorce de ses parents bouleverse son rêve d'une famille heureuse et révèle sa fragilité intérieure. Elle doit vivre éloignée de son père, qu'elle préfère, et supporte très difficilement le quotidien avec sa mère. Perdant peu à peu tous ses repères, la petite fille, révoltée contre le monde des adultes, qu'elle interroge avec une grande clairvoyance, plonge dans une spirale infernale.
Présenté au festival de Cannes en 1993 (Un certain regard) ce film de Shinji Sōmai, (mort en 2001) n’avait encore jamais été programmé en France. Restauré il sort en salles en 2023 « Enfin » (diront les spécialistes du cinéma japonais et de Shinji Sōmai, en particulier)
Ce film - au titre polysémique-, est dominé par le point de vue univoque de l’enfant : le spectateur pénètre sa "psyché" , l'accompagne dans son périple scandé par des courses effrénées, des répliques qui "taclent" la "lâcheté" ( ?) la pusillanimité ( ?) des parents apparemment désemparés par les prises de position de leur enfant (comme si les « rôles » étaient inversés tant à 11, 12 ans l'enfant fait preuve de "clairvoyance" !!)
Dès la scène d’ouverture la « répartition » tripartite au moment du repas, suggérait une faille annonçant une « cassure. A partir de cette séquence inaugurale nombre de « lignes de fuite » (celles qu’emprunte malgré elle et comme déboussolée Renko), nombre de cloisons comme autant de séparations à l’intérieur d’un même cadre (comme la survivance impossible d’une unité originelle à jamais bafouée) et cette dialectique possession/dépossession font que le « parcours » de l’enfance vers l’âge adulte sera illustré en ses différentes étapes (rébellion, recherche d’un alter ego, d’une autre forme d’amour parental auprès de ce couple âgé.. avant l’acceptation d’une solitude assumée)
La mise en scène, qui fait la part belle aux plans séquences, fait alterner (environ pour les 2/3) scènes "familiales" , rencontres et courses solitaires d’une enfant traumatisée par le divorce de ses parents, avant que vers la fin dans une atmosphère quasi onirique, seule dans des dédales vaporeux (végétation embuée, sentiers tourmentés) Renko se "libère" de l’emprise de son « trauma » dans un adieu définitif à l’enfance (que symbolise l’adieu à ce bateau, à tous les personnages à son bord ceux qui auront marqué sa vie, de la petite enfance à l’adolescence, jusqu’à l’étreinte bouleversante entre elle et elle-même)
Un film à ne pas rater !
Colette Lallement-Duchoze