d'Alexandru Belc (Roumanie 2022)
avec Mara Bugarin (Ana) Serban Lazarovici (Sorin) Vlad Ivanov (Biris) Mihai Calin, (le père d'Ana) Andreea Bibiri (la mère d'Ana) Alina Brezunteanu, Mara Vicol (Rosana)
Les Doors Light My Fire (que l’on entendra in extenso)
Prix de la mise en scène Cannes 2022 Un certain Regard
En pleine Guerre froide à Bucarest en 1972, des lycéennes et lycéens écoutent l’émission "Metronom" sur Radio Free Europe, interdite par le gouvernement. Un délateur confie à la Securitate une lettre écrite de leur main à l’animateur exilé à l’Ouest. Arrêtés, ils doivent tous s'acquitter d'une déclaration où ils s’accusent mutuellement de trahison au pays, sous peine de prison. Ana est la seule du groupe à résister, mais jusqu’à quand ?
Le film s’ouvre sur un lent travelling latéral alors que défile le générique : voici un immense bas-relief (une bataille glorieuse ?) sur une place à la froide minéralité. Un espace dévolu au "jeu" (récré foot) aux "rencontres" mais où les personnages, en uniforme (dont Ana qui va au-devant de Sorin) sont minuscules. Silence plombant ; on devine que c’est une scène d’adieu. En écho au final le même décor, la même place, et les mêmes élèves en uniforme dans l’attente "joyeuse" des résultats du bac. Entre ces deux scènes, nous aurons assisté aux formes sournoises, mais efficaces, de la répression sous la dictature de Ceausescu (la police secrète, la Securitate) et à la fin d’une idylle amoureuse (perte des illusions) -les deux étant étroitement liées. Ana (étonnante Mara Bugarin) 17 ans qui est de tous les plans, incarne la façon dont la jeunesse peut "survivre" dans une dictature.
Ce film a obtenu le Prix de la mise en scène (Section « un certain regard » Cannes 2022), prix contesté par certain.e.s critiques….
Si la thématique est quasi similaire à celle de Leto (cf Leto - Le blog de cinexpressions) à savoir la résistance en et par la musique de la jeunesse dans un régime totalitaire (1972 Roumanie 1980 Saint Pétersbourg), que de différences dans la « mise en scène » !!!. Dans Leto audaces et inventivité, rythme endiablé humour frénésie .
Dans metronom plans séquences et longs plans fixes, et surtout cette construction méthodique à l’instar du balancier d’un métronome (à la longue séquence de la boom filmée avec justesse dans une ambiance plutôt « bon enfant » succèdera après l’irruption de la police le face à face opposant le colosse détenteur du pouvoir (Vlad Ivanov) à la frêle Ana tiraillée entre son amour filial, son amour de la vérité, son amour pour ses camarades)
Suggérer plus que démontrer participe aussi de la "mise en scène" (cf. une lenteur calculée, la circulation des regards , la lascivité de certains corps lors de la boom, le découpage en plusieurs plans du "couple" amoureux, la répartition des couleurs -appartement/ salle d'interrogatoire)
L’effet de " balancier" (et pour la forme et pour le fond, relâchement/inquiétude, incandescence Jim Morrison/ froideur glaçante interrogatoire, attentes/désillusions), l’impression que le film est tourné en temps réel n’est-ce pas la spécificité de radio Metronom -et partant, ce qui fait sa force, fût-elle celle d’un « exercice de style » ? (j’entends déjà les récriminations).
Certes on peut toujours formuler des reproches confondant attentes personnelles et critères objectifs, mais on ne pourra que saluer un art consommé de l’exigence et de la suggestion -quand bien même on n'y adhère pas !-, un art qu’Alexandru Belc a peut-être appris de Cristian Mungiu dont il fut l’assistant….
Un film à voir !!
Colette Lallement-Duchoze