de Marie-Castille Mention-Schaar (France 2022)
avec Oulaya Amamra (Zahia), Lina El Arabi (Fettouma), Niels Arestrup (Sergiu Celibidache), Zinedine Soualem (le père), Nadia Kaci (la mère), Laurent Cirade (Claude Burgos), Marin Chapoutot (Dylan),
À 17 ans, Zahia Ziouani rêve de devenir cheffe d’orchestre. Sa sœur jumelle, Fettouma, violoncelliste professionnelle. Bercées depuis leur plus tendre enfance par la musique symphonique classique, elles souhaitent à leur tour la rendre accessible à tous et dans tous les territoires. Alors comment peut-on accomplir ces rêves si ambitieux en 1995 quand on est une femme, d’origine algérienne et qu’on vient de Seine-Saint-Denis ? Avec détermination, passion, courage et surtout le projet incroyable de créer leur propre orchestre : Divertimento
Le maire de Pantin vient de rebaptiser (provisoirement) le nom de la ville dont il est l’élu PS en Pantine !!! Pourquoi ne pas immortaliser les « sœurs jumelles » Ziouani ? lui suggère, à distance, ironique et bon enfant, la réalisatrice !!!! C’était mercredi soir (5/01) à l’Omnia lors d’une séance-débat après la projection ovation de son film Divertimento
Un film qui émeut -beaucoup de spectateurs avouent avoir pleuré-, un film d’une indéniable vivacité communicative ; grâce à tous ces "gestes" comme autant d’invitations à regarder et vivre autrement ; geste-accueil, geste-élan, celui bien sûr de cette très jeune cheffe d’orchestre dont la "baguette" par-delà l’espace musical trace comme des arabesques sonores, celui de son "maître" Celibidache (Niels Arestrup), celui si bienveillant des parents ; celui de la réalisatrice qui incite le public à s’inspirer de l’énergie, de la pugnacité de ces deux sœurs comme d’un viatique.
Ne pas s’attendre à des « originalités » de mise en forme, de mise en scène, l’essentiel est dans la puissance narrative ; un film de facture « classique » donc, mais dont les halos d’émotions vont de pair avec la volonté presque forcenée de concrétiser un rêve et surtout avec ce plaisir de le voir prendre forme et de communiquer cette joie (même en plein désarroi, victime de préjugés de classe, l’actrice ne faillit pas, son visage illumine la pénombre) C’est qu’il s’agit tout autant de « réussir » que de « transmettre » aux autres ce que les parents ont légué : l’amour de la musique symphonique
Nous suivons le parcours de ces deux sœurs ; parcours dont les étapes sont méthodiquement soulignées, (chaque jour le trajet Stains Paris lycée Racine, animation d’ateliers, préparation du concours tout en dirigeant un orchestre) ;à la diversité des lieux, répond celle des relations avec les « supérieurs »; aux différences de langage d’attentes et d’éducation s’oppose le « vivre ensemble » et comme dynamique interne cette volonté irrépressible de faire aboutir un rêve quelles qu’en soient les difficultés (dans le milieu culturel des orchestres symphoniques à dominante masculine, le « métier » de cheffe est discrédité non reconnu objet de quolibets, bien plus que les clivages « bourges » (Paris) et banlieue qui ponctuent les rencontres dans le film)
Un film qui a exigé un an de casting (la condition sine qua non était que les « comédiens » devaient être d’abord instrumentistes), des rencontres avec les deux sœurs jumelles, avec leurs parents ; un film servi par deux interprètes talentueuses, Oulaya Amamara et Lina El Arabi, qui rendent crédible l’approche biographique (et lors du tournage des séquences musicales Zahia Ziouani était la "guide"). Un film musical (Saint-Saêns, Schubert Prokofiev) qui avec Ravel -en ouverture et dans un final où s’unissent les forces vives d’une cité- nous met au diapason entraînés dans une "folle équipée" (rien à voir bien évidemment avec les success story à l’américaine)
Si divertimento souffre de certains défauts (dont le jeu de la plupart des jeunes interprètes qui donnent la fâcheuse impression de « réciter ») il n’en reste pas moins une leçon de combativité et de persévérance
En dénonçant une discrimination (la profession de chef d’orchestre comprend seulement 4% de femmes en France et 6% dans le monde, rappelle le générique de fin) la cinéaste espère par ce « biopic » ouvrir le champ des possibles grâce à une réflexion sur le contexte social
"Ça ne va pas changer le monde mais ça peut changer les gens" (Zahia)
Colette Lallement-Duchoze
Depuis deux décennies la formation guidée par Zahia Ziouani met sa musique au service d’une philosophie exigeante celle de s’inscrire dans son temps transmettre et partager dans une quête exploratoire inlassablement portée par sa vocation de démocratisation culturelle » Académie – Divertimento (orchestre-divertimento.com)
.