Alice est une adolescente qui entretient une relation compliquée avec sa mère adoptive Bogdana. Un jour, lors d’une discussion houleuse, Alice lui avoue qu’elle est enceinte et qu’elle souhaite garder l’enfant. Cet aveu affecte Bogdana qui a longtemps essayé d’avoir un enfant… Ce qui semble être une épreuve va pourtant renforcer leurs liens…
Tempérament volcanique, chevelure rouge flamboyant (une vraie tignasse) , c'est Alice T. 16 ans. Sa relation avec sa mère adoptive , avec ses copines, avec ses profs illustre une forte personnalité de rebelle; elle irrite, elle énerve, elle épuise -du moins au début (c’est le type d’ado qui sèche les cours, ment impunément, se querelle avec tous, recherche des relations sexuelles avec des hommes beaucoup plus âgés et surtout -signe des temps- ne saurait se passer de son téléphone portable dont les sonneries intempestives ponctuent et perturbent son "itinérance") - Bien plus, en passant de la "haine" à une forme de connivence avec Bogdana (sa mère adoptive) ou de la complicité à l’engueulade avec Cesonia sa copine, Alice est surtout imprévisible. Décidée à garder l’enfant, elle parvient à convaincre Bogdana mais à l’insu de sa "mère", elle avale des pilules abortives… (longue séquence dans l’appartement de sa copine où elle saigne abondamment, -au grand dam de Césonia comme si le rouge qui tache canapé baignoire sol et mur était indélébile ; un rouge en harmonie avec sa chevelure, un rouge vivifiant aussi si on accepte ses différentes connotations). Alice regarde amusée les "prévenances" complices de celle qu’elle gruge (alors que cette "mère" stérile vit une grossesse par procuration...); et la séquence finale peut laisser perplexe…Quel sens donner à ses pleurs?
À travers le personnage d’Alice T (admirablement interprété par la jeune Andra Guti récompensée au festival de Locarno en 2018 ) c’est l’image sans fard d’une adolescente -et partant d’une adolescence – versée dans l’affabulation et ses outrances; mais avec une vitalité (présence, rires, regards) si communicative.... qu'elle entraîne parfois l'adhésion voire l'empathie . Le cinéaste ne juge pas, n’explicite pas (quelques bribes glanées çà et là sur la relation au père géniteur ; une séquence consacrée à une fête familiale) . Il livre en longs plans séquences et cet art du cadrage qui enferme un visage ou s’attarde sur un détail, une vision à la fois réaliste et comme désenchantée (putain de vie de merde) d’une génération qui peine à communiquer (alors qu'on ne cesse de parler ….). Au spectateur de démêler... ou tout simplement de se laisser porter
Mais dans Alice T c’est bien la relation mère/fille adoptée qui est au premier plan et le cinéaste en illustre toute la complexité : attraction et rejet ; confidences et mensonges ; amour et haine ; confiance et suspicion. Bogdana cette "mère" stérile ne joue-t-elle pas le rôle de miroir inversé ?
À voir
Colette Lallement-Duchoze