13 mai 2012 7 13 /05 /mai /2012 06:44

Film de Christian Petzold avec Nina Hoss, Ronald Zehrfeld, Rainer Back, Mark Waschke, Jasna Fritzi Bauer

 

20074920 jpg-r 75 106-f jpg-q x-20120405 052720Un système concentrationnaire dissimulé sous les aspects riants d'une campagne accueillante, une suspicion généralisée due à la méfiance sournoise, telle est l'atmosphère de ce film dont l'intrigue a pour cadre l'ex RDA . L'affiche rend bien compte du dilemme auquel est confronté le personnage éponyme Barbara (admirablement interprété par Nina Hoss): deux univers: l'immensité bleue comme appel vers la liberté et au premier plan, le personnage de dos dans sa fixité et sa matérialité (tel un Mauer) Fuir ou rester ?…

 

Si le film contient peu de dialogues c'est que la protagoniste choisit le silence, le non-dit –se glissant dans la voix, la peur pourrait trahir le locuteur –voir les nombreux plans sur le visage de Nina Hoss aux lèvres comme suturées-. Des regards lourds d'interrogations ou inquiets  -peur du faux pas, d'une question intrusive, de la perquisition, de l'humiliation, de la délation. Barbara est aussi un personnage déchiré entre sa responsabilité professionnelle (elle est médecin) et son épicurisme (elle est l'amante de Jörg qu'elle retrouve à l'hôtel ou à même le sol tourbeux d'une forêt, il doit d'ailleurs l'aider à fuir vers l'Ouest). -déchirement qui par analogie rappelle celui de l'Allemagne.-..Son amour naissant pour André (le médecin-chef) va orienter le film vers un entrecroisement progressif entre suspicion et sentiment amoureux –et la scène de la ratatouille improvisée où pour la première fois Barbara sourit, rit "à pleines dents", en sera comme le point d'orgue. Mais c'est dans les scènes de nuit que Barbara semble abolir ses murs intérieurs (le mur entre soi et soi faisant écho au Mur de la Démarcation)

Stella qui souffre le martyre dans un camp politique (le film n'explicite pas ce qui l'a liée à Barbara, mais le suggère) incarne elle aussi un visage de la RDA. Une RDA à laquelle le cinéaste prête une configuration insulaire –avec toutes ses connotations contradictoires d'ailleurs....

Les références au tableau de Rembrandt, au roman de Balzac "le médecin de campagne", les marines que peint la femme de Schütze (fonctionnaire de la Stasi), le "nocturne" de Chopin interprété par Barbara, autant d'indices qui traversent le film et illustrent les intentions du cinéaste de ne pas verser dans le manichéisme..

 

À voir absolument

 

Colette Lallement-Duchoze

 

propos du réalisateur

Barbara, situé en République démocratique allemande (RDA) en 1980, marque une rupture. En riant, Christian Petzold explique que ses amis de l'école berlinoise lui ont reproché le conformisme de sa mise en scène, qui utilise pour la première fois le champ-contrechamp"Mais si j'avais laissé la caméra à l'extérieur des personnages, je me serais mis dans la position de l'Etat et de la police qui les surveillent. Or il fallait montrer ce qui se passait entre les êtres, la méfiance, la nécessité de scanner l'autre sans répit, un climat d'angoisse permanente. On ne pouvait filmer ça qu'en se plaçant tout le temps au niveau du regard des personnages."

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commentaires

C
<br /> Je confirme : à voir absolument !<br />
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S
<br /> Oui ce film est vraiment à voir ! On ne reviendra pas sur l'univers étouffant de ce pays dont on ne pouvait sortir librement, cette erreur politique terrible qui a coûté la vie au socialisme<br /> erxistant hélas. A noter toutefois cet aspect qui questionne :on y voit  un petit hopital d'un coin paumé de province où l'on soigne les gens, où le personnel assez nombreux prend le temps<br /> de s'occuper d'eux, d'être au plus près des patients. On ne peut s'empêcher, en comparaison, de penser à nos hopitaux, en France, qu'une politique libérale détruit à petit feu. C'était juste une<br /> petite remarque en passant, Cette humanité malgré tout est sciemment composée par le metteur en scène, qui comme l'a dit Colette a évité le manichéisme qui paralyse la réflexion. Un bol d'air<br /> d'intelligence.<br />
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