De Jafar Panahi (France Iran Luxembourg 2024)
Avec Vahid Mobasseri, Maryam Afshari, Ebrahim Azizi, Hadis Pakbaten
Palme d’Or Cannes 2025
Les années 2020, en Iran. Chargé d'effectuer des réparations sur un véhicule endommagé, Vahid, mécanicien d'origine azerbaïdjanaise, pense reconnaître en son client un des tortionnaires qui l'a malmené lors d'un séjour en prison. Mais face à cet homme qui nie farouchement avoir été son bourreau , face à ce père de famille, le doute s'installe...
Film réquisitoire -contre les tortures que pratique un régime totalitaire et le cinéaste qui a connu les geôles d’Evin sait de quoi il parle -(le hors champ s’invite dans les diatribes, la rage, les rappels de détails qui après avoir torturé la chair continuent à torturer l’être tout entier); film qui mêle drame, comédie, absurde…Film d’un résistant qui, condamné à vingt ans d’interdiction de filmer et de sortie de territoire, emprisonné à deux reprises, aura préféré retourner dans son pays et continuer à « militer » de l’intérieur …Ne prenez pas ça pour du courage, c’est de la faiblesse : je n’ai pas la capacité de vivre ailleurs qu’en Iran. J’ai passé trois mois en France pour la postproduction de mon film, cela m’a tellement angoissé que l’on m’a mis sous morphine. Dit-il non sans ironie
Un simple accident a été auréolé de la Palme d’or au festival de Cannes 2025
Dans le concert de louanges osons une voix légèrement discordante…
Certes Jafar Panaha s’efforce d’opposer à la barbarie du régime la dialectique vérité vs aveuglement -avec la métaphore des yeux bandés – surveillance vs liberté ( le comique de situation avec les policiers) ou encore l’humour -celui de tous les dérapages (la panne l’interruption d’une cérémonie, les désaccords entre les protagonistes, la corruption par pots-de-vin interposés etc..) Certes le message empli d’humanisme se devine dans ces déplacements cahoteux qui nous conduisent du coffre scellé aux régions désertiques épousant les questionnements sur la justice immanente, sur l'humanité profonde des individus; sur la "conscience" qui s'acquitte à bon compte en effaçant le corps du tortionnaire Eghbal, dont le grincement de prothèse rythmait le tic-tac du temps, etc...
Mais…
Le scénario est lourdement lesté de charges démonstratives et les personnages souvent réduits à des stéréotypes s’en viennent déclamer (à tour de rôle et peu convaincants d'ailleurs) ou éructer leur besoin de vengeance (surtout Hamid qui interprète tout à l’aune du complotisme…) comme si nous assistions à un tribunal "moral" ; même dans le dernier "acte" où la problématique concerne le pouvoir et les effets de la répression... La tension dramatique attendue en est comme phagocytée,
Un mini huis clos (celui du van) avec son mini conclave (le kidnappeur, la photographe, le couple de jeunes mariés, et Hamid ivre de vengeance) s’interrogeant sur "le chemin" à parcourir, cela ne crée pas pour autant une ambiance beckettienne, il ne suffit pas de citer « en attendant Godot » dans la solitude aride et la présence d’un arbre sénescent pour rendre palpable l’attente absurde
Les propos d’Hamid « Il (la Guibole ex tortionnaire) a perdu sa jambe en Syrie dans leur guerre sainte de merde », censés prouver la montée d’une insolence blasphématoire -mais cathartique - sont vite étouffés …
Le jeu du champ contrechamp qui prévalait au tout début et créait une forme de suspense menaçant (Vahid le garagiste, terrorisé, se cache du "chauffeur" en contrebas à la recherche d'une boîte à outils) s’émousse bien vite
Force est de reconnaître que Jafar Panahi a été plus inspiré et plus novateur par le passé et que cette Palme d’Or est essentiellement politique et non cinématographique
Colette Lallement-Duchoze
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