Documentaire réalisé par Alice Odiot et Jean Robert Viallet (France 2025)
2025 • FIPADOC - Festival International Documentaire • Biarritz (France) • Documentaire national - Première mondiale
2025 • Festival 2 Cinéma de Valenciennes • Valenciennes (France) • Compétition documentaire
Une grande porte en métal qui coulisse pour laisser entrer les fourgons de la police. Des hommes en sortent, avec leurs histoires. Des murs, des geôles, des escaliers en pierre, des salles d'audience, des coulisses, des larmes, des cris, des regards. Le tribunal de Marseille est débordé par les affaires de stupéfiants. Ceux qui sont jugés là sont les gérants d'une économie du chaos
Les geôles sont le ventre du tribunal, un lieu qui contient toutes les peurs et les regrets. Filmer cet endroit à Marseille n'avait jamais été fait"(Alice Odiot)
Ceux que nous avons filmés sont des esclaves au sens littéral du terme, ils travaillent gratuitement",( Alice Odiot)
Rigueur et justesse, bienveillance et humanité telles sont les qualités indéniables de Stups, qualités que nous avions déjà tant appréciées dans le documentaire Des hommes 2019 Des Hommes - Le blog de cinexpressions
Stups ou l’Anatomie d’un système, le trafic de drogue et sa dévoration (sens propre et figuré) des plus « faibles » . Témoignages bouleversants (mais la part de mensonges ou le déni réitéré n’échappent pas aux juges à la procureure et au spectateur), avec une gradation quasi dramatique depuis l’attente dans les coulisses jusqu’à la dernière comparution, celle qui illustre le mieux l’état d’esclavage dans lequel risquent de sombrer tous ces trafiquants exploités … et une importance inégalée accordée au hors champ.. Ecran noir quand on passe d’une séquence à l’autre, visage embué et comme terrorisé capté derrière une vitre, bande son minimaliste (hurlements ou frénésie des coups de poing après le couperet de la sentence) impassibilité des gardiens (immobilité typique de la statuaire),
Tout cela contribue à l'excellence d'un documentaire qui aura exigé beaucoup de "doigté" en amont et une forme d'empathie On a filmé des destins qui sont en train de se jouer, des gens qui arrivent de garde à vue, qui ont passé 48h sans dormir, sans manger, sans se laver, et qui dans les minutes voire les heures qui suivent vont être jugés. Ce sont ces moments-là qu'on saisit, des moments d'espoir, d'humanité, de puissance et de force", explique Jean-Robert Viallet,
La caméra nous immerge dans le huis clos du palais de justice (Marseille) en filmant les audiences de ceux qui vont rejoindre (ou non) un établissement pénitentiaire afin de purger leur peine. Dans l’antichambre c’est l’attente angoissée (dont témoigne dès la première séquence un gros plan sur le visage de profil puis de face, sur le regard, sur les mains entravées d’une jeune femme). Interrogatoires réquisitoires et plaidoiries pour 30' de comparution (deux interventions d’avocats en dénonçant l’inanité de la "purge" signalent la reproduction systématique des "déterminismes sociaux" »récitée telle une litanie comminatoire ). Filmé de dos (ce jeune homme récidiviste) ou en frontal (ce revendeur qui a entraîné dans son trafic sa progéniture ou cette toxico violentée), le prévenu -quelle que soit sa "fonction" -nourrice guetteur transporteur vendeur - n'hésite pas à battre sa coulpe, aux accents graves de la sincérité, tout en usant de roublardises....
La parole- la maîtrise ou non du langage-, à l’intérieur du huis clos oppose deux mondes, l’exploitation à l’extérieur dans ce hors champ si prégnant malgré les non-dits c’est le lot quotidien de ces ouvriers du shit (où dans certains quartiers de Marseille, la tentation de l’argent "facile" débute dès l’enfance) (on sait que les véritables responsables et bénéficiaires, ne passeront jamais la porte ni du tribunal, ni de la prison)
Montrer comment une organisation sociale "voue une frange de sa population à la prison" tel est bien l’intérêt majeur de ce documentaire à ne pas rater
Colette Lallement-Duchoze
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