De Kiyoshi Kurosawa (Japon 2024 0h45)
Avec Mutsuo Yoshioka, Selichi Kohinata, T. Tabata
Dans une école de cuisine un étudiant déclare entendre un bruit étrange dans sa tête, comme un carillon qui résonne. Il est persuadé que la moitié de son cerveau a été remplacée par une machine
Un moyen métrage d'une étonnante force suggestive!
Dès le tout début des bruits de fond hors champ - circulation automobile, bourdonnement de ventilateurs et sifflement d’un métro aérien - créent une ambiance sonore étrange …comme si «quelque chose était en train de se produire.
L'espace clos, la salle de cuisine, où exerce Matsuoka, semble contraster avec le milieu urbain, à peine esquissé (rue étroite, passage régulier d’un train) ou au contraire froid et aseptisé n'est-il pas l'écho du vide quasi sépulcral de la ville ? et de ce fait il participe de et à l’angoisse d’une imminente apocalypse ( ?).
A la relation maître-élève, relation d’autorité, (le maître balaiera d'un geste dédaigneux les angoisses de l'étudiant souffrant d'une hyperacousie.. mortifère, ou plutôt dont le cerveau serait pour moitié remplacé par une machine .) répond en écho le face à face Matsuoka/employeur pour un contrat d’embauche (le professeur tente de décrocher un poste dans un restaurant dédié à la gastronomie française). Un autre lieu où évolue le personnage celui de l’intime, de la famille (mais où chacun des trois protagonistes est comme étranger à l’autre) est en fait un espace où la règle semble le dérèglement…- là où chacun s’enferme dans la répétition mécanique de ses "obsessions"
L’horreur banalisée (un meurtre commis sans état d'âme...) est traitée tel un haïku (plans fixes souvent, contexte dépouillé, mutisme de certains personnages, profondeur de champ ressentie comme une menace) Des images spécifiques révélatrices de comportements particuliers qu’une partition sonore va progressivement investir, mettent le spectateur en état d’alerte permanent.
Voici des ustensiles -couteau poêles à frire- que le cadre (sans recourir au gros plan) parvient à brandir telle une menace…climat anxiogène. Voici une séance de "découpage" de poulet (la bande-son la rend sinistre). Voici des sacs plastique emplis de canettes (image de la surconsommation ?) que l’épouse déverse régulièrement, et le bruit métallique grinçant va s’amplifiant en dehors de l’image qui le sous-tend.(il en va de même pour ce cliquetis que provoque l’objet métallique trituré par le fils) Le comportement de Matsuoka, quant à lui d’abord bienveillant (?) avec ses élèves, étonnamment volubile avec son futur employeur, et silencieux dans l’intime, se fait de plus en plus distant incompréhensible comme s’il épousait à son insu les dissonances d’un monde "déréglé" (en ombre chinoise -fantasme ou réalité ? - un homme brandit un couteau sur sa voisine de table ; lui-même commet l‘irréparable après avoir assisté au suicide de son élève, - comme si le tintement du carillon obsédant était "contagieux"; à un moment sa course de plus en plus rapide, comme pour échapper à l'ennemi invisible, course qu’accompagne le carillon des grillons, sera frappée d’inanité…)
Alors peu importe que le mystère du carillon (chime) ne soit pas élucidé
Le réalisateur a su en extraire le malaise profond! grâce à cette inquiétante étrangeté sonore
Colette Lallement-Duchoze
Film précédé du court métrage INN , film d'animation américain réalisé par Zion Chen mettant en scène une histoire de fantômes chinois, une odyssée au pays de l'étrangeté
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