De Leonardo Van Dijl (2024 Belgique Suède)
avec Tessa Van Den Broeck, Ruth Becquart
Julie, une star montante du tennis évoluant dans un club prestigieux, consacre toute sa vie à son sport. Lorsque l'entraîneur qui pourrait la propulser vers les sommets est suspendu soudainement et qu'une enquête est ouverte, tous les joueurs du club sont encouragés à partager leur histoire. Mais Julie décide de garder le silence.
Quand tu m’as demandé d’arrêter, j’ai arrêté (Jérémie à Julie lors d’une rencontre dans un bar)
Un service sans balles et sans partenaire c’est sur ce plan que s’ouvre le film. Un corps comme terrassé en position fœtale à même le sol c’est sur ce plan que se clôt le film alors que continue à défiler le générique de fin (tant pis pour les spectateurs habitués à quitter la salle dès que s’affiche le générique …)
Solitude et cloisonnement ou l’enfermement dans le silence…douleur du trauma douleur du silence
Au tout début on attend l’entraîneur Jérémie. Il ne viendra pas et pour cause…(serait-il impliqué dans le suicide d’Aline ??? pour l’heure il est « suspendu ») la scène liminaire ne serait-elle pas ainsi par le choix délibéré du mime le premier stigmate de la « solitude » post traumatique ? D’abord imposée cette solitude sera pleinement assumée quelles que soient les réticences suggérées quelles que soient les sollicitations bienveillantes invitant à la « confession ». Sophie a décidé de mener une enquête, mezza voce dans des structures spécifiques sans contrainte…Julie elle a choisi de se taire. Elle sera seule face à elle-même face à son secret
Ne pas céder aux clichés sur les relations abusives entre un adulte et une ado, ne pas filmer en frontal une relation « toxique » c’est le parti pris du réalisateur (une seule et unique scène met face à face Jérémie et Julie ; elle le questionne sur Aline, elle refuse tout attouchement …des mains…mais la phrase qu’il répète "quand tu m’as demandé d’arrêter j’ai arrêté", censée plaider sa non culpabilité, suggère dans son ambigüité même (dite sur les modes assertif et interrogatif) la force d’une emprise ; elle fait écho d’ailleurs à toutes celles que Julie écoute sur son portable (toutes empreintes de cette volonté de puissance, "prétendus" conseils qui systématiquement dénigrent l’autre....)
Co produit par les frères Dardenne ce film entraîne le spectateur dans une forme inhabituelle d’immersion. L’actrice Tessa Van Den Broeck,- ex joueuse de tennis- non seulement est crédible pour toutes les scènes d’entraînement mais filmée de très près (visage de profil ou de trois quarts) elle a su rendre presque lisible voire palpable ce qui la taraude (regard furtif, paupières closes) ; caresser sa chienne (seule confidente !!) écouter ou refuser un appel c’est un dilemme existentiel !
Et quand la salle de tennis avec ses couleurs bleu gris se donne à voir comme la "réplique possible" de la chambre à coucher de Julie, n'est-ce pas "mettre à jour" le trauma, inviter à écouter ce silence que scande ici et là cette respiration de la douleur, jusque dans la prostration (plan final) ?
Un film que je vous recommande
Colette Lallement-Duchoze