17 mai 2024 5 17 /05 /mai /2024 11:14

Documentaire réalisé par  Mehran Tamadon (France Suisse 2023)

 

 

45e Festival International du film documentaire “Cinéma du Réel” (2023)

 

cf Mon pire ennemi - Le blog de cinexpressions

 

 

Taghi, Homa et Mazyar ont été arrêtés et interrogés par le régime iranien. Tous les trois témoignent avec leurs corps, avec leurs gestes, et racontent ce que signifie résister, ce que signifie craquer. Y a-t-il un espoir que le tortionnaire renoue un jour avec sa conscience ?

Là où Dieu n'est pas

Le film s’ouvre et se ferme sur des rues à Paris et sur le ciel où l’on peut lire le titre « là où Dieu n’est pas ».

Mais l’essentiel va nous « enfermer » dans les pièces d’un bâtiment désaffecté où tout sera reconstitué  de façon artisanale: barreaux peints à la peinture blanche, tasseaux de bois pour délimiter l’espace très étroit d’une cellule, sommier métallique, choix d’un câble aux filons assez souples pour « lacérer » les pieds, confection d’un cercueil où Homa va reposer ; et lors de ce processus de « fabrication » auquel tous participent (le spectateur est mal à l’aise) le réalisateur s’entretient avec les protagonistes : voir ressurgir les instruments de torture ne peut que raviver et la mémoire et les traumas. Et quand la parole prend le relais Homa Kalhori craque (elle avoue avoir consenti in fine à porter le voile, avoir « pactisé » avec l’ennemi en étant la « gardienne d’une section de la prison après sa pseudo-conversion ; s’interroge encore sur ce processus de réification de néantisation)

 

Le réalisateur est toujours à leurs côtés ; dans le cadre ou hors champ il guide propose d’interrompre, console Homa en l’enlaçant, il se met aussi à la place du torturé (allongé sur le lit poignets entravés genoux repliés voûtes plantaires dégagées) Les yeux souvent bandés à l’époque des tortures, Homa Taghi Mazyna vont faire appel à leurs sens auditif et olfactif pour « restituer » ce qu’ils ont enduré dans leur chair leur être tout entier (chants bruits gueulantes humiliantes des bourreaux)

Les trois ont été torturés dans la sinistre prison Evin (à la réputation aussi sulfureuse que d’autres prisons que le régime soit dictatorial ou  …. démocratique   avec les mêmes dénégations officielles quand on en dénonce l’arbitraire et l’outrageante entreprise de déshumanisation …là où les interrogatoires, prétendument destinés à soutirer des « aveux » ( ?), virent aux abus viols tortures exécutions, l’ensemble savamment maquillé !!!

 

Situation éprouvante et gênante pour le spectateur (dans la position ou posture du « voyeur ») Spectateur qui ne peut souscrire aux propos du réalisateur : destinée aux bourreaux, sa « reconstitution » aurait une vertu cathartique (et d’ailleurs Taghi se moque « gentiment » de cette naïveté ;  on sait que les bourreaux sont persuadés « être du « bon côté » (on se souvient du film de Rithy Panh S21 la machine de mort khmère rouge et des témoignages glaçants) Spectateur qui s’interroge sur la nécessité, la pertinence et l’efficacité d’une telle démarche… l

La réponse est précisément dans la réaction de ces « héros ordinaires » ; ils ont du mal à « incarner » les bourreaux ils s’isolent réfléchissent puis (du moins Mayzar) affirment que reconstituer les scènes de torture c’est révéler aux gens ce qui se passe réellement dans leur pays Il rejoue les aveux extorqués et cette mise en abyme par l’image, et par extension le cinéma, se donne à voir/lire dans son double pouvoir de « vérité » et de « manipulation, Mystificatrice» Le torturé qui avait les yeux bandés voit pour la première fois la position dans laquelle il était comme si la peur quittait son corps Mayzar Ebrahimi  souffre encore des séquelles des coups reçus ; or cette douleur fait surgir « du corps une force de réaction insoupçonnée »  «C’est dur de faire de la prison sans s’illusionner” "jouer un rôle ça permet de témoigner de comprendre l'autre"

 

Colette Lallement-Duchoze

 

Là où Dieu n'est pas

Mazyar Ebrahimi reconstitue les conditions dans lesquelles il a été torturé, avec le réalisateur comme cobaye volontaire. | Survivancsens

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