Film d'animation,, biopic musical, réalisé par Fernando Trueba et Javier Mariscal (2023 Espagne, France, Portugal, Pays Bas)
Avec les témoignages d'Edu Lobo, Gilberto Gil, Chico Buarque, Caetano Veloso, Milton Nascimento, Toquinho, Roberto Menescal, Paulo Moura, Bud Shank...
Doublages : Jeff Goldblum, Roberta Wallach, Tony Ramos...
71ème festival de San Sebastian
Un journaliste musical new-yorkais enquête sur la disparition, en 1976, à la veille du coup d'État en Argentine, de Francisco Tenório Jr, un pianiste brésilien virtuose......
Ce film d’animation signe une nouvelle collaboration entre Fernando Trueba (réalisateur, scénariste et producteur musical) et Javier Mariscal, illustrateur, auteur de BD, graphiste, peintre (rappelez-vous Chico et Rita, 2011)
"Ode à la bossa nova, enquête sur une disparition, hommage à une Amérique latine laminée par les dictatures militaires" oui ce film d’animation est tout cela à la fois. Il joue aussi sur l’étroite imbrication de deux démarches : celle du réalisateur Fernando Trueba qui s’était intéressé au pianiste brésilien Francisco Tenório Júnior, avait collecté des centaines d’interviews, de New York à São Paulo, de Paris à Rio, avait le projet d’en faire un documentaire (classique ?) , et celle de Jeff Haris, ce journaliste musical new yorkais qui, au départ écrit un article sur la genèse de la bossa nova et qui va enquêter sur le pianiste mort dans des circonstances jamais élucidées à 34 ans en 1976 ; l’article est devenu livre, le livre ce film « they shot the piano player » (film encadré d’ailleurs par la séquence dans une librairie à New York, en 2009)
Nous allons croiser des légendes de la musique, de Vinícius de Moraes à Chico Buarque, de Jobim à Caetano Veloso, mais aussi Ella Fitzgerald, Bill Evans, ainsi que les « maîtres de la nouvelle vague » (Truffaut Godard) La bossa nova a émergé au Brésil en même temps que la nouvelle vague en France (le titre est d’ailleurs un clin d’œil à un film de Truffaut).
Profusion d’artistes et de témoins dans leurs avatars animés mais avec leur vraie voix ! immense puzzle à reconstituer ! avec ce souci très pédagogique de la contextualisation (cf les graphiques du continent sud-américain dont les pays se couvrent de noir, quand advient la dictature, quand se déploie l’opération Condor !!), cet hymne à la musique brésilienne est illustré par le flamboiement des couleurs -en harmonie avec la fougue vibrante de la bossa nova, de ces corps ondulants de danseuses (années 50, 60) Le choix d’aplats de couleurs avec ces ombres incorporées et les mouvements sinueux ont souvent ce charme languide qu’amplifie l’omniprésence de la musique. En alternance le bleu lumineux de cet appartement avec vue sur la plage d'Ipanema où travaille le journaliste,- jaillissement dans la résolution de l'énigme "qui a tué le pianiste"? Les ocres grisâtres et les verts kaki évoquent la cruauté des dictatures (à partir de 1973 au Chili ) avec leur cortège d’arbitraire (enlèvements exécutions tortures) alors que le graphisme aux traits fins, vigoureux et géométriques est proche de certaines BD.
Cependant, si la forme choisie - dessin animé en rotoscopie à l’esthétique BD – est source d'invention et de poésie dans le schématisme même, elle ne saurait susciter l’émotion attendue quand il s’agit de numéros musicaux (solos ou orchestre). Et la prolixité des paroles (échanges avec tous ceux qui ont côtoyé de près ou de loin le pianiste) de par son abondance a le défaut de ses qualités : la pléthore
Cela étant, reconstituer le parcours d’un « inconnu » virtuose à travers le regard des autres, opposer en violents contrastes (couleurs ambiances ) la période d’effervescence musicale au traumatisme tragique des dictatures, n’est-ce pas l’intérêt majeur de ce film, soit une raison suffisante pour ne pas le rater ???
Colette Lallement-Duchoze