14 décembre 2023 4 14 /12 /décembre /2023 07:54

de Rolf De Heer (Australie 2023)

 

avec Mwajemi Hussein, Deepthi Sharma, Darsan Sharma

Musique Anna Liebzeit

 

Festival international du film de Berlin, Prix Fripesci de la critique 2023

Argument: Ses tortionnaires l’ont déposée là, dans une cage au milieu du désert, aride, sous un soleil de plomb. Elle parvient à se libérer et marche au hasard sans pouvoir se fixer. . Elle va traverser les  ruines d’un monde en désolation, 

Une odyssée qui la mène jusqu’aux frontières de l’humanité

 

The survival of kindness

Sans pré-générique  -hormis la déclinaison calligraphiée en plusieurs langues du titre-, voici une scène d’ouverture qui encodera tout le film. Atmosphère sombre, personnages munis de masques à gaz, langage réduit à des borborygmes onomatopées ou sifflements, face à un immense gâteau qui représente un monde en miniature dont le sol est jonché de cadavres de corps noirs ; une portion de ce gâteau que l’on avale. Dévoration et engloutissement. Ce que confirme la scène suivante où l’on conduit une femme noire,  encagée,  vers un désert….

 

Et voici une première partie où le réalisateur par une multitude de cadrages filme cette cage entre l'infiniment petit (des fourmis carnassières qui envahissent l’écran) et l'infiniment grand (vastitude aridité du monde environnant), entre le soleil qui darde imposant son éblouissement, et la déshydratation mortifère, entre les différentes positions du corps prisonnier (debout à l’assaut des barreaux, allongé recroquevillé pour un semblant de repos) avant qu’il ne parvienne à s’extirper de ces grillages (après de très gros plans sur un cadenas de fortune !!)

 

Et voici la femme qui marche. BlackWoman dira le générique de fin. Le rêve cauchemar (la fin nous ramènera au point de départ) en marche lui aussi. Et nous allons traverser une multitude de paysages : plaines rougeoyantes ou jaunes, canyons, montagne, oasis de sérénité, ville - ou plutôt ses simulacres comme après une apocalypse? Et nous allons retrouver ces personnages du « prologue », affublés de leur masque à gaz qui tuent à bout portant tous ceux qui n’ont pas la couleur de peau…recommandée ; rencontrer entre autres un homme blanc le visage dégoulinant d’hémangiomes pleurant le corps mort de sa compagne…noire, ou encore ce couple (BrownGirl BrownBoy) qui dans un premier temps sauvera la BlackWoman avant de « disparaître » lui aussi (avec ces stigmates de la pandémie : excroissances rouges, toux, voies respiratoires violemment attaquées, crachats de sang)

 

Cette BlackWoman, à chaque « étape » de son odyssée, change  de vêtement, devenant ainsi une « autre femme » (citadine en chemise, exploratrice en chapeau, militaire déguisée pour tromper ceux qui la pourchassent) comme si la "survie"  ancrée dans l’évidence du réel nauséabond avait besoin de ces  "échappées"- subterfuges? ;  de plus son regard à la fois ironique et bienveillant  donne(rait) une autre dimension à cette dystopie si noire en apparence. N’est-elle pas la "seule"  à avoir été épargnée par la pandémie et le racisme ? seule face à l’échec du colonisateur (victime de cette maladie qu’il a lui-même provoquée). Elle,  le témoin ultime de l’horreur généralisée ?

Mais le dernier plan, hallucinant de puissance suggestive, à la limite du soutenable, semble imposer une autre lecture. Encore que….

 

Un film sans dialogue, -mais porté par le thème musical d’Anna Liebzeit- , une interprète hors norme (originaire de la RDC Mwajemi Hussein n’avait jamais vu de film et encore moins joué …) qui impose à chaque plan une présence incontournable,  une fable très sombre (mais à la lecture plurielle), une façon de filmer qui mêle âpreté saisissante et beauté sidérante, un message que l’on peut deviner dans le contraste permanent entre la douceur du personnage féminin et la bestialité alentour

(un seul bémol , mais ce n’est qu’un point de vue : la longueur excessive de l’épisode avec le jeune couple Brown et la scène de kungfu)

 

 

UN FILM A NE PAS RATER

 

Colette Lallement-Duchoze

 

(du même réalisateur Charlie's Country - Le blog de cinexpressions )

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