de Nanni Moretti (Italie 2022)
avec Margherita Buy, Nanni Moretti, Silvio Orlando, Mathieu Amalric
présenté à Cannes Compétition Officielle 2023
Giovanni, cinéaste italien renommé, s’apprête à tourner son nouveau film. Mais entre son couple en crise, son producteur français au bord de la faillite et sa fille qui le délaisse, tout semble jouer contre lui ! Toujours sur la corde raide, Giovanni va devoir repenser sa manière de faire s’il veut mener tout son petit monde vers un avenir radieux...
Jeux de miroirs, mises en abyme, références multiples comme autant de réminiscences, hymne au cinéma, et à l’amour, mélange des genres, questionnements politiques -et particulièrement la position du PCI par rapport à la Russie-, le film de Nanni Moretti est tout cela à la fois– Ce qui pour certains serait synonyme de fourre-tout et pour d’autres de film-testament- Pourquoi pas?
Et pourtant !! quelle vitalité, quel humour!
Même si par moments l’auto-congratulation-fût-elle empreinte d’auto dérision- est ( trop) patente quand le film est (par trop) autoréférencé (rendre hommage aux « maîtres » Demy Fellini dont on voit des extraits de film sur petit écran ; chanter à tue-tête Think d’Aretha Franklin, mimer maladroitement le mélange de comédie musicale et de drame). Ajoutons l’inanité (ou presque) de certains rôles (dont celui du producteur français maladroitement interprété par Mathieu Amalric) ou le portrait (forcément) caricatural d’un jeune réalisateur, qui entachent (mais c’est délibéré) la fluidité du film.
Cela, il est vrai, est largement compensé par la sublime Margherita Buy (déjà partenaire de Moretti dans Mia madre et tre piani ) et par l’incontournable Silvio Orlando, et surtout par un souffle qui se veut …. « juvénile »
Film dans le film où le fou le désenchanté le faux naïf le bougon celui qui a toujours aimé débattre d’esthétique et d’éthique, oppose plus que jamais un authentique 7ème art à un cinéma « industriel »
Depuis Caro Diario trois décennies se sont écoulées ; le personnage, certes vieilli, a troqué sa vespa contre une trottinette électrique (cf l’affiche et une courte séquence) mais c’est le même entrain la même force qui se veut persuasive ! Giovanni, double de Moretti, amoureux du cinéma d’auteur, subit les affronts de la plate-forme Netflix -dont les « commerciaux » se comportent en robots-. De même qu’il refuse toujours la violence esthétisée; et lui oppose celle de Kieslowski dans la scène du « meurtre » (tu ne tueras point) dont Giovanni/Moretti restitue les moindres détails face à un public médusé) ; mégalo il tente de téléphoner à Scorsese, il fait venir une historienne de l’art pour composer la scène à la manière d’une peinture de la Renaissance.
Et dans le défilé final apparait (ah la magie du cinéma !!) la propre mère (comme ressuscitée…) de Nanni Moretti-; un défilé qui signerait la mort du communisme et du … tutti quanti … ? Tous convoqués pour célébrer un « avenir radieux » ? (se méfier des titres antiphrastiques !!!)
Mettre en scène (fiction) les atermoiements éthiques d'une antenne du PCI au moment de l'insurrection en 1956 à Budapest et de sa répression par les chars russes, c'est (réalité dans la fiction) mettre à nu ses propres exigences intellectuelles
Vers un avenir radieux : un film à ne pas manquer !
Colette Lallement-Duchoze