de Simon Rieth. (France 2022)
Avec Simon Baur, Raymond Baur, Maïra Villena
Présenté en compétition à la 61e Semaine de la critique du Festival de Cannes. 2022
Grand prix du meilleur film au Festival international du film fantastique de Neuchâtel.
Festival international du film fantastique de Bruxelles : Silver Raven du meilleur long-métrage.
Royan, 2011. Alors que l’été étire ses jours brûlants, deux jeunes frères, Tony et Noé, jouent au jeu de la mort et du hasard... Jusqu’à l’accident qui changera leur vie à jamais. Dix ans plus tard et désormais jeunes adultes, ils retournent à Royan et recroisent la route de Cassandre, leur amour d’enfance. Mais les frères cachent depuis tout ce temps un secret...
L’ambition était de réaliser un film sur un amour fraternel très fort puis m’est venue cette idée de résurrection et de mise à mort comme une métaphore de la relation entre les deux frères dont je me suis servi pour raconter cette histoire
Un film ovationné à Cannes. Un film qui a séduit la critique. Osons quelques bémols!
Les décors enserrés dans des cadres soignés au millimètre près, une orchestration très sophistiquée (qu’il s’agisse des intérieurs -maison église- ou des extérieurs - plage forêt- dans le choix des couleurs des plans du format scope), la catatonie, la transe fiévreuse à répétition consécutives à l’accident (et l’intrusion de l’élément fantastique : résurrection après l’accident qui clôt le long prologue ou première partie), tout cela est surligné, tout comme la bande-son est sur dimensionnée, tout comme l’écran peut être envahi (jusqu’à saturation) d’une couleur monochrome (rouge de préférence !)
Contrairement à ce que prétend le jeune cinéaste, seul ce qui est hors champ est auréolé de mystère (dispute violente des parents par exemple et qui sera le prélude à leur séparation); car la plupart du temps tout est inscrit dans des prémices lisibles (quand bien même le « genre » se rapprocherait du fantastique) Les masques et armures factices (celles des frères enfants) renvoient aux combats moyenâgeux qui précisément passent par une « mise à mort » ; le passage de l’enfance à l’âge adulte (soit 10 ans après) présenté comme le passage des jeux de hasard à des jeux de pouvoir ; le choix de prénoms aux évidentes connotations (Noé, Cassandre) ; en voyant le frère cadet « préparer » lieu et accessoires, le spectateur « devine » que c’est le prélude à la « cérémonie » de la pendaison ; le lustre -ses oscillations où la lumière se diffracte dans un sourd fracas sur les « cristaux de verre » - comme annonciateur de « drames » ou rappel tout simplement d'une relation parentale toxique; les supplications auxquelles ne peut déroger le frère cadet Noé (il se sait investi d’un pouvoir, celui d’un démiurge qui décide de la vie et de la mort), le plan final qui, en démultipliant le personnage, Tony, atteint de la maladie de la mort, sert de « bilan conclusif »
Les deux frères Baur sont (dans la vie) des athlètes de haut niveau ; dans le film leurs corps dont la chair les muscles sont magnifiés (caressés par la caméra et la lumière) expriment une sensualité toute sculpturale qui rappelle la statuaire grecque. On retiendra la scène de wushu ( ?) filmée en travelling au soleil couchant où coexistent la magnificence et la noirceur !! Comme si les éléments naturels (et ils sont essentiels dans le film) épousaient l’ambivalence de la fusion fraternelle !
Mais après tout, la saturation, le choix d’images trop marquées, trop contrastées, les métamorphoses (corps en décomposition tel celui d’un reptile) et la musique par trop accentuée - qui m’ont fortement agacée-, participent d’un choix délibéré ! et la dynamique du film ne serait-elle pas résumée dans l’extrait de l’Apocalypse de Jean ? (lu lors de l’enterrement du père) J’ai vu un ciel nouveau et une terre nouvelle car le premier ciel et la première terre avaient disparu." Auquel cas, s’imposerait une discussion éminemment philosophique !
A vous de juger!
Colette Lallement-Duchoze