de Mehdi Hmili (Tunisie 2021)
Avec Afef Ben Mahmoud, Zeineb Sawen, Iheb Bouyahia, Sarah Hanachi, Slim Baccar, Noomen Hamda, Fakher Wahchy, Hakim, Boumsaoudi, Noureddine Souli et Elyes Rebhi
Amel est ouvrière (et déléguée syndicale) dans une usine à Tunis. Son patron la met en relation avec un homme d’affaires qui peut permettre à son fils d’intégrer le club de foot local. Profitant de la situation, l’homme tente d’abuser d’elle. La police les surprend mais c’est Amel qui est finalement déclarée coupable d’attentat à la pudeur et d’adultère. À sa sortie de prison, elle part à la recherche de son fils dans les nuits underground de Tunis, peuplées de prédateurs et d’une jeunesse en quête de liberté.
La violence est contenue dans le titre lui-même (les fauves ? la police corrompue et la société patriarcale et classiste ; l'esperluette - ou la conjonction "et" ? vu le contexte a le sens de parmi , en opposition à, face à ). Après une séquence d’ouverture où triomphent la légèreté, l’humour, les "signes" d’une symbiose affective et surtout l’espoir d’un futur plus lumineux, c’est à un présent cauchemardesque que seront confronté.e.s Amel et son fils !.
Amel est la femme contrainte de subir : un mari alcoolique, un patron injurieux, un viol, un emprisonnement, et à sa sortie de prison dans sa quête quasi désespérée -à la recherche de son fils- nous sommes entraînés dans une véritable descente aux enfers, celle-là même que vit Moumen …sur fond de corruption de la police de la justice. Le réalisateur -qui s’est inspiré de son vécu- filme sans complaisance la vie tunisienne nocturne dans sa spécificité foisonnante violente et charnelle (on est loin des images clichés destinées aux touristes). Aux "monstres" diurnes répondent les "fauves" de la nuit. Et la caméra très proche des visages et des corps met précisément l’accent sur des vies fracassées dans une Tunisie de l’après Ben Ali (on est loin de la révolution du Jasmin…. )
Non pas démontrer mais montrer ; montrer la noirceur l’âpreté à travers deux populations les jeunes et les femmes. Car précisément « Ceux qui ont fait la révolution se sont vus exclus du processus démocratique. Conséquence, les jeunes ont délaissé la politique et la société civile. J’avais besoin de filmer ce chaos. J’ai voulu parler de cette catégorie sociale qui a fait la révolution et que l’on a vraiment utilisée et usée. »
Pari réussi ? impression mitigée… Si ce film a véritablement agi comme une thérapie (« J’avais besoin de dire des choses, à mes proches notamment, et de filmer des situations que j’ai vécues pour pouvoir passer à autre chose. et c'est à sa mère que Mehdi Hmili dédie son film (cf générique de fin), qu’en est-il pour un public non tunisien ? Des images choc, du sang, un rythme souvent effréné (dans les courses poursuites, la délation généralisée et le crime impuni) C’est le chaos post révolutionnaire, c’est l’univers des femmes isolées et des « mineurs sans perspectives » ; c’est le monde de la prostitution, des drogues dures, de la criminalité. Mais à force de vouloir tout dire, tout montrer (même sans misérabilisme) ne risque-t-on pas l’éparpillement et la redite ? La peinture des milieux de la nuit (le cabaret pour Amel, les lieux underground pour le fils) est trop souvent étirée dans le temps et le recours aux plans tremblés, aux nombreux cuts censé illustrer la frénésie (factice cela va de de soi) tombe à faux
Mais on retiendra le parcours d’une mère aimante confrontée à des choix « impossibles » comme à autant de dilemmes !
Et si l’intérêt majeur de ce film (« courageux » certes) était dans le maniement de l’ambiguïté… ??
Colette Lallement-Duchoze