documentaire réalisé par Florian Heinzen-Ziob (Allemagne 2022)
Production : Fontäne Film
Avec : Malou Airaudo, Clémentine Deluy, Josephine Ann Endicott, Jorge Puerta Armenta, Sangeun Lee, Courtney Richardson, Julian Amir Lacey, Francesco Pio Ricci, Gloria Ugwarelojo Biachi, Luciene Cabral, Franne Christie Dossou, Tom Jules Samie
Chorégraphie : Pina Bausch
Musique : Igor Stravinsky, Christoph Willibald Gluck
Iphigénie en Tauride / Le Sacre du printemps. Au Semperoper en Allemagne et à l’École des Sables près de Dakar, de jeunes danseurs, guidés par d’anciens membres du Tanztheater de Pina Bausch, revisitent ses chorégraphies légendaires. Pour ces artistes, issus de la danse contemporaine, du hip hop ou du ballet classique, danser Pina, c’est questionner ses limites, ses désirs, et métamorphoser une œuvre tout en se laissant soi-même métamorphoser par elle.
C’est à une authentique aventure humaine et artistique que nous convie Florian Heinzen-Ziob dans ce film documentaire ; il a rendu palpable le geste qui dit l’intériorité de chacun des danseurs « Pour ces artistes, issus de la danse contemporaine, du hip-hop ou du ballet classique, danser Pina, c’est questionner ses limites, ses désirs, et métamorphoser une œuvre tout en se laissant métamorphoser par elle » a-t-il confié !!
Courez vous imprégner de ces gestes de transmission si beaux dans leur générosité ; vous qui avez vu sur scène Dominique Mercy, Malou Airaudo, Joséphine Ann Endicott il y a des décennies, écoutez-les, voyez-les perpétuer l’héritage de celle qui a révolutionné « l’art de la danse »
En alternant les images (répétitions surtout) de Iphigénie en Tauride (Ballet Opéra de Dresde,) -avec Malou Airaudo et Clémentine Duluy, et du Sacre du printemps à Dakar -où Jorge Puerta Amenta et Joséphine Ann Endicott « dirigent » 32 danseuses et danseurs venu.e.s de 14 pays du continent africain-, en « passant » d’un lieu (le théâtre somptueux de Dresde) à l’autre, (les « sables » de Dakar), en alternant danse et interviews (dont celles de Sangeun Lee et de la danseuse capverdienne Luciény Kaabral) , le réalisateur met en exergue des similitudes autant, sinon plus que des contrastes. On peut certes regretter le « systématisme » de ce montage alterné, de ce "champ contre-champ" mais le « dialogue » entre les deux compagnies et les jeux d’opposition (froideur des studios du Semperoper, chaleur et lumière naturelle de l’école des sables) tissent en fait cette arabesque que commente non sans ironie Joséphine Ann Endicott « c’est une position confortable à la Pina Bausch ».
Montrer des images d’archives, les « incorporer » au présent celui des répétitions illustre les modalités de transmission ; théâtre et cinéma certes mais surtout « travail d’appropriation » ou comment réinvestir avec sa propre histoire une pièce créée il y a 50 ans, tout en apprivoisant un « nouveau vocabulaire », tout en sachant que la danse de Pina Bausch n’est pas l’apanage de certains corps … Sangeun Lee une Iphigénie très (trop) grande ? « ne te fais pas plus petite. Tu es belle »
La danse n’est pas seulement cette « succession de pas aussi magnifiquement exécutés soient-ils » c’est un état de dépassement, un surcroît d’âme. Ce passage précisément du « remarquable » au « sublime » . Grâce à ce « geste » dans sa double acception de mouvement et d’intention. Par-delà tous ces jetés de bras ces « jets » de torse, ces halètements cette énergie viscérale, c’est lui qui existe avant tout humainement, en soi et en relation à l’autre – à l’autre sexe notamment –
Et la puissance tellurique du Sacre -telle que l’avait désirée et chorégraphiée Pina-Bausch dès sa création en 1975, éclate là sous nos yeux : la lutte sauvage, le « choix » de « l’Elue » que l’on va sacrifier le déchirement et le désespoir vont épouser le souffle du vent, sur les côtes océanes, au soleil couchant (la covid ayant interdit toute représentation publique !!)
Un documentaire à ne pas rater !!
Colette Lallement-Duchoze