15 février 2023 3 15 /02 /février /2023 10:02

Samuel est un orphelin de douze ans à l'allure sauvage. ll est placé depuis quelques semaines dans le Morvan chez Marie, Clément et leurs deux garçons. Samuel s'émancipe, découvre les sensations et les troubles de son âge mais, très vite, il doit aussi faire face aux secrets de cette nouvelle famille. Jusqu'à ce que, un jour, tout se transfigure

Astrakan

Ne vous fiez pas trop au synopsis

 

Ce premier long métrage -certes chronique d’une enfance blessée- adopte en permanence le point de vue de l’enfant (ni flashback ni explication); un enfant qui préserve son intériorité, tapie au fond de lui -et comme remisée à jamais, à l’instar du « secret » planqué sous une brique  du plancher  (?) ; un enfant dont les pouvoirs supra sensoriels (apanage du devin) vont éclater sous forme de cauchemars ou s’illustrer dans les surprenantes (et somptueuses)  dernières minutes où la musique de Bach accompagne la succession rapide de ses images mentales mêlées à celles qui résument l’ensemble du film.

On est loin des films naturalistes sur l’enfance   "nue"  même si le corps est la cible de tous les dangers (sévices, punitions, abus) et qu’il en porte les stigmates. Les séances de gym (trapèze) seront comme des "parenthèses enchantées"  (propos du réalisateur, lors de la rencontre à l’issue de la projection à Angers, Festival premiers plans)

 

David Depesseville ·affirme vouloir Montrer par creux à la manière de Michaux dans « connaissances par les gouffres"; il opte pour l’ellipse, la juxtaposition, les effets spéculaires laissant ainsi le spectateur emplir les interstices (pour exemples : le lait qui bout, la neige, l’hostie, les aubes des jeunes communiants ; la prière à la Vierge et celle dédiée à l’autre Marie la mère « adoptive nourricière » l'alma mater; l’agneau porté avec amour par Marie, telle la pietà et l’agneau mort-né, l’astrakan, titre donné au film -un titre qui doit illustrer  l’enfance sacrifiée, le côté « mouton noir » de Samuel et une certaine tactilité – la caméra se pose telle une caresse « je voulais quelque chose qui soit proche du toucher »

Une vision fragmentaire donc : à nous de reconstituer une sorte de puzzle à travers ces tableautins qui nous conduisent de la maison des parents adoptifs, et de la chambre en particulier à celle de la voisine, de la maison de l’oncle (la porte que l’on ferme sur les non-dits de la pédophilie)  à celle des grands-parents, de  l’église  à la rivière, à la salle de sport, etc.. A chaque lieu s’accroche un pan de la vie de Samuel:  lambeaux de souffrances,  émotions ressenties.

 

Comme dans le film de Pialat (l’enfance nue 1968) les parents adoptifs revendiquent une impérieuse nécessité financière (on les paye pour prendre en charge ces enfants délaissés par les parents géniteurs ou ces orphelins) et sont tiraillés (du moins le prétendent-ils) entre l’évidence (c’est un gamin « insupportable ») et une approche plus clémente (Clément travaillera plus pour « payer » des vacances de neige à Samuel); mais David Depesseville  dans Astrakan, dénonce en outre  la pédophilie (incarnée par Luc le frère de Marie) qu’il aborde moins frontalement (d’ailleurs on peut se demander si les adultes ne sont pas complices….par leur silence) que par d’efficaces et douloureuses suggestions : les séquelles que l’on devine sur le visage apeuré du petit frère et les  "refus" réitérés de Samuel,  vecteurs de son mutisme désarmant !

 

 

Un film âpre et délicat, doux et violent tout à la fois,

un film sobre et parfois plus grandiloquent (cf le final musical)

Un film que je vous recommande

 

Colette Lallement-Duchoze

 

Attention : une seule séance par jour pour la semaine du 15 au  21 février  (consulter les horaires)

 

 

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