de Valeria Bruni Tedeschi (2021)
scénario de Valeria Bruni Tedeschi Noémie Lvovsky Agnès de Sacy
Avec Nadia Tereszkiewicz : Stella Sofiane Bennacer : Etienne Louis Garrel : Patrice Chéreau Micha Lescot : Pierre Romans Clara Bretheau : Adèle Vassili Schneider : Victor Eva Danino : Claire Oscar Lesage : Stéphane Sarah Henochsberg : Laurence Liv Henneguier : Juliette Baptiste Carrion-Weiss : Baptiste Alexia Chardard : Camille Léna Garrel : Anaïs Noham Edje : Franck Suzanne Lindon : la serveuse Franck Demules : le gardien Isabelle Renauld : l'assistante de Chéreau Sandra Nkaké : Susan Bernard Nissille : Gaspard
Présenté au festival de Cannes 2022 Compétition Officielle
Fin des années 80, Stella, Etienne, Adèle et toute la troupe ont vingt ans. Ils passent le concours d'entrée de la célèbre école créée par Patrice Chéreau et Pierre Romans au théâtre des Amandiers de Nanterre. Lancés à pleine vitesse dans la vie, la passion, le jeu, l'amour, ensemble ils vont vivre le tournant de leur vie mais aussi leurs premières grandes tragédies
Regardez ces enfants, regardez les crimes qu’ils commettent, regardez comme ils se mentent à eux-mêmes comme ils veulent apprendre et ne peuvent pas, comme ils veulent faire le tour de toutes les expériences et les épuisent en si peu de temps et quels espoirs pourtant ils portent en eux quand la lune est pleine. Je vous laisse avec eux, ils sont comme nous ils ont envie d’être aimés P Chéreau à propos de la mise en scène de La dispute de Marivaux
Le film s’ouvre sur un champ contre champ, séance d’audition sous le regard amusé de Romans (Micha Lescot); un jeune s’asperge de ketchup sur scène, on « entend » un membre du jury (interprété par la mère de la réalisatrice) enjoignant Stella de « parler un peu plus fort je suis sourde » !! et la question devenue rituelle « pourquoi tu veux faire du théâtre » (les réponses trahissent des quêtes si diverses « satisfaire les rêves de parents » « s’approprier les paroles d’un autre » « face à la finitude inscrite dans notre destin laisser une trace ».) Léger flou sur les visages du jury, dont on devine l'ironie moqueuse à l’encontre de ces jeunes qui briguent la sélection mais qui en font trop…. Sur les 40 présélectionnés, 12 seront les « heureux élus »
Et ce sont les 18 mois de travail intense que Valeria Bruni Tedeschi -qui a fait partie de la promo, elle avait à peine 20 ans - va « restituer ».
Une tranche de vie, une tranche d’histoire qui se veut moins historique qu’émotionnelle « ni documentaire, ni reconstitution, ni monument mais une évocation, affirme-t-elle
Evocation d’une fureur, celle des excès, (on s’amuse au volant de sa voiture à griller à toute allure les feux rouges, on se drogue jusqu’à l’overdose, on baise dans un confessionnal ou dans les toilettes, on est multipartenaire) et le rythme qui illustre cette exubérance est souvent trépidant. Fureur confrontée bientôt à la prégnance mortifère du sida (cf la séquence de la cabine téléphonique où trois jeunes femmes/actrices, terrorisées, s’enquièrent des résultats de leur analyse de sang) Eros et Thanatos. Jouissance et mort. Mélange de comédie (parfois farcesque) et de drame (c’est une marque de fabrique dans la filmographie de la réalisatrice).
C’est aussi -et peut-être surtout- l’évocation d’une façon « originale » de travailler sous la houlette de Chéreau -alors auréolé de gloire- même si les scènes de répétition sont peu nombreuses dans « Les Amandiers » La frontière entre personnage et personne ne doit pas être étanche et le brouillage entre le théâtre et la vie, entre ce qu’on éprouve et ce qu’on joue, est lisible à l’écran quand sans transition on passe d’un plan où l’acteur est en plein exercice de répétition à un autre qui immerge le spectateur dans son vécu . Confusion prônée par le Maître (Chéreau/Louis Garrel) dont le portrait est ici sans complaisance (brutal bourru blessant)
Cette tranche de vie inscrite dans un contexte précis (avec tous les jeux de mise en abyme et de miroirs: Valeria Bruni Tadeschi double de Patrice Chéreau, dirigeant ses acteurs, de... cinéma, Stella alter ego de Valeria ) aurait-elle une portée universelle comme le revendique la réalisatrice : Les Amandiers un film "sur la jeunesse en général, comme aventure "?
Comme à l’accoutumée, confronté aux films de Valeria Bruni Tedeschi qui mêlent autobiographie et fiction, le spectateur est perplexe. Il peut adhérer (et au propos et à la façon de filmer) ou au contraire rejeter et quasiment en bloc. Si la critique est unanime dans le dithyrambe pour louer ce 7ème film, n’y aurait-il pas une position intermédiaire ? qui ne serait pas posture ?
Colette Lallement-Duchoze