de Diastème (2021)
avec Léa Drucker, Denis Podalydès, Alban Lenoir, Benjamin Biolay
Elisabeth de Raincy, Présidente de la République, a choisi de se retirer de la vie politique. À trois jours du premier tour de l'élection présidentielle, elle apprend par son Secrétaire Général, Franck L'Herbier, qu'un scandale venant de l'étranger va éclabousser son successeur désigné et donner la victoire au candidat d'extrême-droite. Ils ont trois jours pour changer le cours de l'Histoire.
Quand bien même le réalisateur affirme ne pas "reproduire" une situation bien connue du public, trop de similitudes (maladie de la présidente, suicide d’un collaborateur, querelles intestines, corruption en haut lieu, complot russe et surtout montée de l’extrême droite), l’étroite collaboration avec les deux journalistes Fabrice Lhomme et Gérard Davet (qui ont côtoyé Sarkozy et Hollande) la sortie du film quelques jours avant le 10 avril, ne laissent aucun doute: ce ne peut être pur hasard !
Mais le monde d'hier n’est pas pour autant un film à clé…
Le cinéaste ne cesse d’alerter sur la montée de l’extrême droite et en mêlant plus ou moins habilement thriller politique et histoire d’amour, en structurant son propos de façon très théâtrale (3 jours, un lieu de prédilection: les lambris d'un palais présidentiel, dialogues stylisés) dans une ambiance crépusculaire, il en illustre la fatale victoire….à moins qu’au moment ultime, on puisse "enrayer le pire" En d’autres termes le film pose la question « légitime » « tous les moyens seraient-ils bons pour empêcher de donner le pouvoir à l’extrême droite ? La fin justifie-t-elle les moyens ?
Ainsi naît une « tension » (propre au thriller) qu’accentuent ces marches répétées dans les couloirs, la montée des escaliers, les gros plans sur les visages et leurs regards scrutateurs, et surtout les non-dits, les ellipses ou l’implicite.
Un monde se meurt, le monde d’hier (la référence à Stefan Zweig apparaîtra dans le générique de fin)
Et pourtant ce film ne convainc pas…
Certes les deux acteurs principaux Léa Drucker en présidente de fin de règne qui assume ses échecs et en mère courage ainsi que Podalydès en secrétaire général dévoué - personnage le plus puissant dans notre République- sont d’excellents interprètes. Masse inerte, Benjamin Biolay est à peine crédible en premier ministre désabusé et le garde du corps (Alban Lenoir) -taciturne forcément taciturne- est souvent réduit à une caricature
Le plus déroutant toutefois n’est pas dans le jeu inégal des interprétations. Alors que nous sommes censés pénétrer dans les arcanes du pouvoir (les fameuses coulisses) et qu’un questionnement essentiel sur les chances de survie de la démocratie s’impose, Diastème semble survoler et parfois même prendre un plaisir malsain à évoquer des « incartades » (mélo)dramatiques (la présidente invite le député d’extrême droite à entrer dans le saint des saints, l’espace Jupiter haut lieu de la Défense, pour lui signifier avec arrogance …qu’il n’y accédera jamais; la présidente en proie à un malaise, est filmée allongée sur l’herbe puis dans les bras du garde du corps à la manière de David Hamilton, le baiser volé dans l’embrasure de la porte, qui précède le saut fatal dans le Vide)° et que dire de ce coup de téléphone « magique » à l’homologue allemand Heinrich qui va "céder" sur une mesure écolo pour « contrecarrer » les USA? de cette musique illustrative et souvent boursouflée de Valentine Duteil ? de la diatribe contre « une internationale fasciste » ?on pourrait multiplier les exemples !!!
Condamnant l’extrême droite, le réalisateur rend "humaine" voire "sympathique" - elle reconnaît d’ailleurs avoir « merdé » - une classe politique "républicaine" hors sol, et partant ne se fait-il pas le chantre du "pouvoir en place"???
« à voir à la rigueur »
Colette Lallement-Duchoze