premier long métrage d'Omar El Zohairy (France Egypte Pays-Bas Grèce 2021)
avec Demyana Nassar, Samy Bassouny, Fady Mina Fawzy, Abo Sefen Nabil Wesa, Mohamed Abd El Hady
Semaine de la critique Cannes 2021 Grand prix Nespresso, Prix FIPRESCI (fédération internationale de la presse cinématographique)
Journées cinématographiques de Carthage Tanit d'or, Prix du meilleur scénario, Prix de la meilleure actrice
Festival du film de Turin 2021 prix spécial du jury
Une mère passive, dévouée corps et âme à son mari et ses enfants. Un simple tour de magie tourne mal pendant l'anniversaire de son fils de quatre ans, et c'est une avalanche de catastrophes absurdes et improbables qui s'abat sur la famille. Le magicien transforme son mari, un père autoritaire, en poule. La mère n'a d'autre choix que de sortir de sa réserve et assumer le rôle de cheffe de famille.
Le film s’ouvre sur une scène d’immolation (rappel des printemps arabes ? et du soulèvement ?) c’est le prologue! Un no man's land. Extérieur nuit .
Et ce sera un décor de suie de fumée de noir de crasse qui prévaudra tout au long du film. Un environnement-dépotoir ? C’est bien une image sinistre glauque de l’Egypte qui s’affiche ainsi dès le début. Il en va de même quand nous pénétrons dans un appartement exigu spartiate insalubre -mais où dominent l’ocre et le sépia avec des effets de lumière diffractée et des aplats blancs-; microcosme où s’exerce la domination du « chef » de famille (il donne avec parcimonie à son épouse l’argent nécessaire à l’achat de denrées). Une épouse soumise qui exécute les tâches « ménagères » (lessiver cuisiner) et accomplit son « rôle » de mère éducatrice (3 enfants dont un en très bas âge)
Lors de la fête anniversaire d’un fils, un magicien de seconde zone fait « disparaître » le père…. ( il sera transformé en "poule") …Mais ce faux(?) magicien est incapable de donner un "contre sortilège" ! Cette intrusion du "fantastique" (surréalisme ?) va accentuer la précarité de la famille.
De personnage subalterne, la mère devient la "cheffe" . La voici en quête d’argent pour payer le loyer (sous peine d’expulsion) en quête de nourriture, en quête de travail, en quête du "magicien" et ….à la recherche de son mari ou du moins d’un remède; alors que l’appartement s’est rétréci -une chambre étant réservée au volatile, gallinacé impavide qu'il faut soigner et ..nourrir-
Sobriété de la mise en scène, économie des dialogues, présence d’acteurs non professionnels, un point de vue unique -celui de la femme -soumise, regard baissé, dont le visage ne s’illuminera d’un sourire qu’au final-, ce premier long métrage de Omar El-Zohairy frappe par son mélange de réalisme -sordide-, de tragique mais aussi de fantastique… loufoque (qui peut évoquer Roy Andersson)
Il faut saluer le travail sur la lumière et la composition des plans -le plus souvent fixes- (certains ressemblent à des natures mortes tout en "reflétant" l’état d’esprit de la femme). En revanche l’espace sonore peut être saturé (amplification parfois outrancière des cris, vagissements, vrombissements de voitures et camions, heurtoirs ); et certains très gros plans m’ont paru complaisants (même si nous sommes censés voir le sang, les ecchymoses et blessures sur ce corps de SDF troqué contre la poule, ou encore les crânes à l'abattoir à travers le regard grossissant de la mère)
« Plumes est l’histoire d’une mutation obligatoire, un changement de nos comportements sociaux qui nous concerne tous, pas seulement les habitants de mon pays. Mon histoire peut se dérouler n’importe où et peut arriver à n’importe lequel d’entre nous » (Omar El Zohairy)
Colette Lallement-Duchoze