18 novembre 2021 4 18 /11 /novembre /2021 07:34

d'Apichatpong Weerasethakul  (Thaïlande, Colombie, Mexique) 2021

avec Tilda Swinton, Elkin Díaz, Juan Pablo Urrego, Jeanne Balibar

 

Prix du Jury festival de Cannes 2021

Ex aequo avec "le genou d'Ahed" de Nadav Lapid Le genou d'Ahed - Le blog de cinexpressions

Jessica, une cultivatrice d’orchidées se rend à Bogota pour rendre visite à sa sœur malade. Elle se lie d’amitié avec Agnès une archéologue française qui doit surveiller le chantier de construction d’un tunnel dans la montagne andine, avec un musicien le jeune Hernàn. Mais toutes les nuits elle est dérangée dans son sommeil par des bruits étranges et de plus en plus forts.

Memoria

 

Long plan fixe : de la pénombre d’une pièce aux fenêtres voilées, dans ce jour qui va naître, émerge une silhouette une ombre qu’un bruit insolite (terrifiant ?) a soudainement réveillée ; c’est la scène liminaire !

Jessica (extraordinaire Tilda Swinton) sera à la fois cette ombre habitée, cette personne vive et vivante, tout en étant la proie sensorielle d’un phénomène (maudit ?) auditif : explosions de bangs qu’elle semble être la seule à percevoir. Quelle en est l’origine ? hallucination auditive ? Enfouissement d’expériences occultées qui soudainement s’imposent à la conscience ? Memoria est l’histoire de cette femme étrangère à elle-même en quête de son identité

 

Et sur sa route -qui la conduit de Bogota à la jungle- Jessica  croise une archéologue française qui étudie des squelettes datant de plus de 6000 ans, un musicien Hernàn, une jeune femme accidentée, un homme insomniaque -comme elle- qui avoue avoir les mêmes souvenirs d’enfance.

Ainsi formulé l’énoncé ne saurait rendre compte des confusions à la fois temporelles (le Hernàn musicien du début serait-il le même que celui de la fin ? mais le patronyme du groupe musical est sans ambiguïté « the depth of Delusion » la profondeur de l’illusion) spatiales (passage d’un lieu à un autre sans raccord comme s’ils étaient interdépendants) ou même identitaires (quelle est donc cette sœur à laquelle Jessica rend visite à l’hôpital; est-ce la femme accidentée ?) Car c’est précisément de cette apparente confusion que se nourrit l’expérience des vibrations, comme si l’absence de « logique », de justification présidait à des découvertes des expériences hors du commun auxquelles le cinéaste nous convie.

 

La statue de Copernic -au pied de laquelle Jessica écoute la musique de Heràn qui "reproduit" ce que précisément elle "entend"-, la sculpture de Dali -à laquelle fait allusion le docteur Constanza et que l’on verra entière et fragmentée-, le trou insolite dans le crâne d'une jeune femme du néolithique, que commente l’archéologue, autant d’indices dans une quête sans cesse renouvelée ? Et/ou comme « objets » et « sujets » de l’histoire antédiluvienne du monde, substrats de la mémoire?

Et dans les frémissements des verts émeraude, les bruissements de la rivière, dans ce tunnel où grouille un chantier, retentit la « mémoire » d’un monde, du monde, tout comme elle peut être contenue dans le microcosme d’une pierre, celle que le toucher fera advenir à une forme d’éternité

 

Oui le film d'Apichatpong Weerasethakul a cet envoûtement de l’incomplétude dans la complétude (ou l’inverse)

 

Mais comme sa mise en scène, en image et en musique obéit à la lenteur des perceptions et des émotions, il pourra séduire ou….ennuyer (cf la remarque de David Fontaine dans le canard enchaîné du 17/11/2021« embarquement pour le rêve ….ou le sommeil »)

 

Un film que je recommande à tous ceux épris de rêves, de fulgurances épiphaniques, dans la lenteur ou l'hébétude des "voix chères qui se sont tues" 

 

Colette Lallement-Duchoze

 

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