De Shahad Ameen (Arabie Saoudite-Quatar 2019)
avec Basima Hajjar, Yagoub Alfarhan, Abdulaziz Shtian, Ibrahim Al-Hasawi
Titre original Sayidat Al Bahr
Autre titre la dame de la mer
Tanit de bronze des longs métrages de fiction Journées cinématographiques de Carthage (2019)
Prix du jury des moins de 30 ans Semaine de la critique à Venise
à voir sur https://www.festivalscope.com/page/les-journees-cinematographiques/
"Scales ou le sort d'une jeune fille que son père refuse de sacrifier à la mer selon une tradition ancestrale, et qui devient une paria en résistant aux superstitions patriarcales"
La cinéaste saoudienne a recours à une fable pour s’interroger sur la condition de la femme dans la société patriarcale, dénoncer le poids des traditions, revendiquer le droit à la vie et celui de vivre. Voici un village saoudien (comme beaucoup peut-être avant l’avènement du pétrole… ?) en bord de mer entouré de montagnes arides. Voici ses habitants : les hommes et la pêche, les femmes enfermées dans l’exiguïté des espaces clos. Tous respectent certaines coutumes, même entachées de superstitions. Son personnage principal Hayat -dont elle adopte le point de vue- est quasiment de tous les plans, quel que soit l’angle de vue. C’est une rebelle -elle s’oppose à une tradition ancestrale : sacrifier la fille aînée aux vagues, aux "monstres" marins, ces créatures qui habitent les fonds abyssaux, en échange de leur clémence et de leur générosité ! Dans le cas contraire une malédiction s’abattrait sur la population !
Or Hayat -c’est la scène inaugurale- n’a pas été sacrifiée ; son père écartelé entre l’amour pour son premier enfant et la stricte observance des traditions l’a sauvée, des eaux, de la mort et d’une éventuelle métamorphose en « sirène » . Il subira les affronts de ses pairs pour sa « lâcheté », sa fille mise au ban de la société, en subit l’opprobre.
Le film « raconte » l’histoire « périlleuse » d’une « survie » : seule, marginalisée, Hayat se bat pour elle, mais surtout pour s’imposer dans le "monde masculin" en participant aux travaux de la pêche (dont le raccommodage de filets), à la découverte de ces femmes sirènes, à leur exécution. Alors que des écailles naissantes sur ses chevilles et ses pieds préfigureraient sa métamorphose (de gros plans répétés insistent -un peu trop- sur les prémices d’une transformation que l’adolescente doit maquiller dans la douleur).
Ce film en noir et blanc traité telle une épure (ténuité scénaristique, minimalisme des dialogues, récurrence des mêmes plans sur l’immensité de l’eau, jeux des lumières celles des torches la nuit ou du soleil qui se diffracte en éclats irisés sur les flots, personnages aux habits "à l’antique" qui, figés, rappellent certains bas-reliefs) semble hélas s’étirer inutilement...Autant la scène inaugurale, l’offrande sacrificielle, frappait et par son rendu et par sa force suggestive - autant le "sort" de l'adolescente, celui du village peinent à s’incarner efficacement ! On a la fâcheuse impression de voir un court métrage "abusivement" transformé en long métrage (en témoignent entre autres, ces gros et longs plans sur sa chevelure qui envahit l’écran, et ses ondulations censées rappeler le miroitement des flots…)
Mais, inviolé, demeure l’essentiel "susciter le dialogue sur le rôle des femmes dans la société et dans le monde arabe"
Une fable féministe
Une allégorie sur un thème universel
Colette Lallement-Duchoze