Avec Isabel Sandoval (Olivia) Eamon Farren(Alex) Ivory Aquino (Trixie) Lynn Cohen (Olga)
Olivia travaille comme soignante auprès d’Olga, une grand -mère russe ashkénaze de Brighton Beach à Brooklyn. Fragilisée par sa situation d’immigrante philippine, elle paie secrètement un Américain pour organiser un mariage blanc. Alors que celui-ci se rétracte, elle rencontre Alex, le petit fils d’Olga, avec qui elle ose enfin vivre une véritable histoire d’amour
Cheveux blancs ébouriffés, mains noueuses, muette et pensive Qui est cette femme octogénaire assise seule dans cette minuscule cuisine ? Elle décroche le téléphone mural "je veux rentrer chez moi" une voix bienveillante la rassure "mais vous êtes chez vous Olga. Regardez le mur ; regardez la gazinière ..là où vous avez préparé …. " Un passé recomposé dans l’instantanéité de l’échange. La voix est celle d’Olivia ....qui va entrer dans le champ de la caméra. Olivia l’aide-soignante.
Cette scène inaugurale (à laquelle répondra en écho la scène finale ...mais …) toute de délicatesse et d’émotion contenue, suggère en filigrane un essentiel -et ce sera la marque d’Isabel Sandoval. L’amnésie de la vieille babouchka, immigrée russe vivant à Brighton Beach, Brooklyn, n’est-elle pas à mettre en parallèle avec celle d’une Amérique oublieuse de sa propre histoire….de l’immigration ???
Quelques touches -dont certaines dupliquées par les effets de miroir (autre spécificité de ce film) – et c’est tout un pan de l’histoire personnelle d’Olivia qui s’impose. Transsexuelle -or son passeport la renvoie à son identité masculine- elle tente d’obtenir la nationalité américaine….Les appels répétés de "Ma" restée aux Philippines qui attend l’argent promis, les rencontres avec Trixie une amie d’enfance, la séquence au bureau de l’immigration, les infos -dont nous ne verrons pas les images sur l’écran de télévision- rappelant la politique de discrimination du gouvernement Trump, tout cela met en évidence les tracasseries administratives auxquelles fait face Olivia et les peurs qui l’habitent….
La relation amoureuse avec Alex -petit-fils d’Olga- est vécue avec une authenticité et une sensualité telles que la réalisatrice non seulement renverse un tabou mais fait de son héroïne une femme libre ...Relation qui est Le thème majeur de ce film : vivre intensément un amour que l’on croyait jusque-là impossible. Même si, tapie au profond, subsiste la double peur de l’expulsion et de la réaction de l’homme aimé quand il découvrira son "secret" …
Une esthétique minimaliste, des effets spéculaires, une répartition de l’espace -le quartier de Brighton Beach avec le passage récurrent du métro aérien et les structures métalliques de la station, et l’intérieur cloisonné tout comme Olivia a enfermé des « reliques » tout comme elle croit avoir enfermé son « secret » : tout cela dans le contexte d’une politique migratoire toxique c’est Brooklyn Secret dont la réalisatrice -qui s’est inspirée de sa propre expérience- est aussi scénariste, monteuse et interprète
Un film que je vous recommande (L'Omnia aux Toiles)
Colette Lallement-Duchoze