de Jacek Borcuch (Pologne)
avec Kystyna Janda, Kasia Smutniak, Lorenzo de Moor, Robin Renucci
prix de la meilleure actrice festival du film de Sundance 2019
Maria Linde, poétesse et prix Nobel juive polonaise, s’est retirée loin des mondanités et des conventions dans la paisible campagne de Toscane. Elle y vit libre et heureuse, entourée de sa famille, de ses amis et de son jeune amant égyptien. Mais la tension monte dans la vieille Europe comme dans sa petite ville où les réfugiés affluent. Refusant l'hypocrisie ambiante, Maria accepte une ultime remise de prix, et revient dans l'espace public avec une déclaration qui fait scandale.
Le brouillard ne sait plus/ S'il est porteur de terre ou de nuage/ Il ne sait pas parce qu'il n'a pas à la savoir/ Il ne sait pas. Il fait ce qu'il a à faire/ Et les autres n'ont rien à dire"
Maria Linde est poétesse.
Mais elle n'existe que dans la fiction de Jacek Borcuch (et l'actrice polonaise Krystyna Janda, l'interprète solaire de Wajda, l'incarne avec cette ardeur et cette passion auxquelles elle nous avait habitués). Construite à partir d'icônes de la culture occidentale elle serait de l'aveu même du cinéaste " un mélange de Patti Smith, Susan Sontag, Bob Dylan, Oriana Fallaci et de beaucoup d'autres. Elle est quelque part entre la poésie te le punk".
Un artiste a-t-il le pouvoir de s'opposer "à la brutalité du monde" , à la frilosité des états européens dans leur politique d'immigration? Comment réagit-il face aux actes terroristes? Le réalisateur n'a pas la prétention de faire un film politique ni de donner des réponses toutes faites. Il met en évidence -en les rendant palpables- les questionnements (sur les réfugiés entre autres) et certaines réponses (xénophobie, embarras) seront incarnées par des personnages. Loin du "politiquement correct" voici Maria Linde. Or son discours prononcé après l'attentat perpétré à Rome, lors de la remise du prix...qu'elle refuse...peut laisser pantois...Il faudra l'ultime rencontre avec le journaliste du Monde pour que la poétesse "explique" ses propos et ce, avant qu'elle ne soit "muselée" (à noter ici, sans la dévoiler, que la dernière séquence pèche par un excès de facilité ...)
Or la seule personne dans le film qui aimait la complexité de Maria, sa vitalité, son énergie, son refus de pactiser avec la peur, est précisément Nazeer son jeune amant. Elle, la métaphore de la culture occidentale? de l'Europe? Lui, l'emblème de la culture orientale? victime de la xénophobie (effets collatéraux du discours de sa maîtresse)
Des visages des corps que la semi-obscurité réduit à des silhouettes, alors que vogue le bateau; c'est la scène d'ouverture. Une même atmosphère enveloppe la cité de Volterra; ambiances nocturnes ou du moins crépusculaires avec tous les effets de clair-obscur. Clair-obscur -Ombre/Lumière- qui semble épouser d'ailleurs les jeux de contrastes qui parcourent tout le film, dont celui qui oppose l'insouciance de Maria (au volant de sa Porsche par exemple) et l'angoisse de sa fille qui se mure dans un silence de désapprobation
Au moment de l'attentat (à Rome) c'est une vision quasi apocalyptique qui envahit l'écran -une balafre traumatisante à l'échelle cosmique-; ce que confirmera Maria dans son discours (qui l'assimile à une "oeuvre d'art")
Intimiste et métaphorique, récit sur la peur -qui assaille les Européens- Un soir en Toscane est un film que je vous recommande! Vivement !!
Colette Lallement-Duchoze
Intéressant par tous les thèmes abordés (peut-être un peu trop ?)