De Veit Helmer (Allemagne)
Avec Predrag 'Miki' Manojlovic, Denis Lavant, Chulpan Khamatova
Le conducteur de train Nurlan se rend à Bakou pour la dernière fois avant sa retraite. En contournant les quartiers de la ville, son train arrache un soutien-gorge bleu à une corde à linge. Pour échapper à son existence solitaire, Nurlan se lance dans la plus grande aventure de sa vie : retrouver la propriétaire de ce sous- vêtement …
Bakou Mer Caspienne. Oui le quartier que traverse le train, existait bel et bien au moment du tournage. La voie ferrée était si proche des "masures" qu’elle en était le prolongement : on y dressait des tables de jeux, on suspendait le linge sur un fil tendu, on y palabrait….
En s’emparant de ce réel, le réalisateur construit un "conte" où se mêlent dans une histoire sans paroles, poésie et burlesque, réalisme et onirisme, tendresse et cruauté
L’absence de dialogues est compensée par une attention toute particulière accordée à la bande-son (chansons, grognements, bruits du quotidien, récurrence d’un thème musical et cette polyphonie entendue par deux fois quand Kamal, l’assistant -extraordinaire Denis Lavant- accompagne de sa trompette le fond rythmique des bruits des machines-miniatures).
Compensée aussi par le choix de couleurs : pastel (quand le train processionnaire traverse la plaine) ou tièdes (dans le quartier suburbain) en harmonie avec celles de de la vie ???
Celle de Nurlan précisément semble réglée tel un rituel et se répéter immuable : des gestes identiques– extraire du hangar l’énorme locomotive, la conduire, restituer à leur propriétaire les objets que le train a enlevés malgré les avertissements du gamin orphelin, dîner en solitaire- et la récurrence de mêmes images ou plans (avec toutefois des angles de vue différents) semblent insister tout à la fois sur la vacuité d’une existence, l’immense humanité d’un conducteur et en filigrane sur une quête d’amour (quelques fondus enchaînés sur l’essayage de soutien gorge que voile pudiquement le rideau d’une fenêtre le prouveraient aisément)
Sa vie bascule. Retraité, Nurlan ne conduit plus. Mais il n’aura de cesse de rendre à sa propriétaire le soutien-gorge que sa locomotive a emporté.... Nous allons pénétrer avec lui derrière les portes, dans l’intimité et découvrir tout un système de relations sociales… d’obsessions aussi (chaque femme rencontrée n’a-t-elle pas des raisons bien particulières d’essayer le soutien-gorge ?) Intrusions sujettes à caution ? Le sort en est jeté…
Le soutien-gorge obscur objet du désir ? Nurlan -éconduit lors d’une demande en mariage- aura-t-il trouvé en ce soutien-gorge une sorte de fantasme ? Il ne sied à aucune des femmes rencontrées. Est-ce à dire qu’aucune femme ne conviendrait à Nurlan, que la femme pour lui doit rester « désir inassouvi ??
Peut-être!
Je vous recommande ce film à l’humour tendre, au réalisme magique
ce « conte moderne empreint de mélancolie »
Colette Lallement-Duchoze