De Jeremiah Zagar (USA)
avec Paul Castillo (Paps) Sheila Vand (Ma) Evan Rosado (Jonah) Isaiah Kristian (Manny) Josiah Gabriel (Joel)
Prix Fondation Louis Roederer de la Révélation (festival Deauville 2018)
Jonah est le plus jeune d’une fratrie de trois jeunes garçons impétueux et épris de liberté. De milieu modeste, ils vivent à l’écart de la ville avec leurs parents qui s'aiment d’un amour passionnel, violent et imprévisible. Souvent livrés à eux-mêmes, les deux frères de Jonah grandissent en reproduisant le comportement de leur père alors que Jonah se découvre progressivement une identité différente…
Nous sommes trois, nous sommes frères, nous sommes des rois. Manny Joel et Jonah partagent-ils les mêmes rêves les mêmes attentes ? C’est ce que croyait Jonah ce petit être aux yeux bleu profond au sourire d’ange...mutin...dont nous entendons la voix off et dont nous suivrons le cheminement entre réalité fantasme et rêve (ce qu'il écrit et dessine avec ses crayons Crayola, dans son cahier caché sous le matelas) jusqu’à cette prise de conscience où sa vie basculera de l’autre côté, celui où l’on a quitté définitivement l’enfance.
Car le film -adapté d’ailleurs d’un roman auto biographique de Justin Torres- et qui est vu à hauteur de et par le regard d’un enfant, est un récit d’apprentissage dont l'originalité vient essentiellement de la forme, de la mise en scène, du montage . Filmé caméra à l'épaule, en 16mm, "We the Animals" mêle chronique familiale (enfants souvent livrés à eux-mêmes compte tenu de l’impéritie ou de l’immaturité de leurs parents) et animation (ce qui est consigné prend vie et envahit l’écran), réel et rêve, onirisme et poésie, peurs et fantasmes (l’imaginaire peut transformer une expérience ordinaire en aventure fabuleuse ou l’inverse ; le désir d’abord suggéré se concrétisera ...dans un baiser ...par exemple)
Les trois frères sont d’abord filmés dans cette intimité tiède typique de l’enfance (vus de dos, alignés sur leurs matelas, courant dans la forêt, allongés sur le tapis du salon, chapardant dans une supérette) et pourtant on devine une "faille" entre les deux plus âgés et le narrateur. Jonah est plus sensible à l'auto-destruction de ses parents; il est lui-même victime de railleries ou intimidations; mais à partir de l'instant où il découvre "l'assaut de la chair"...et du même coup son identité sexuelle, la marche fraternelle du trio et son tempo intime se délitent !
C’est bien l’imaginé, redouté ou ardemment souhaité, qui sert de contre-point au réel. Mais c’est bien le réel (et la découverte des cahiers jusque-là tenus au secret, leur émiettement en morceaux signent une brisure) qui préside à l’ultime sursaut aux allures d’assaut (ce qu’exprime la chanson dans le générique de fin)
A ne pas manquer!
Colette Lallement-Duchoze