Documentaire réalisé par Margarethe von Trotta (Allemagne France)
Ingmar Bergman est considéré comme l’un des réalisateurs les plus importants de l’histoire du cinéma. À l’occasion du centenaire de sa naissance en 2018, la cinéaste allemande Margarethe Von Trotta s’interroge sur l’héritage du maître, son travail et sa vie personnelle, qui continue d’inspirer des générations de réalisateurs.
Ni biopic ni hagiographie
J'entends déjà des esprits chagrins dénoncer des « manques » ou s'offusquer de l’omniprésence à l'écran de Margarethe von Trotta (il n'y aura pas de voix off) . Or la réalisatrice allemande a été invitée par la Fondation Ingmar Bergman à "livrer un regard personnel qui réinvente la vision que l’on peut avoir sur les travaux du réalisateur" (décédé en 2007) Et c’est bien d’une recherche qu’il s’agit et du rapport qu’elle entretient avec l’oeuvre du cinéaste suédois. (cinéaste qu’elle avait bien connu à Munich à l’époque où suite à des démêlés avec le fisc il avait dû fuir la Suède). Un questionnement aussi sur son héritage dans le cinéma d’aujourd’hui
Voici un paysage marin que dévorent falaises et rochers ; Margarethe von Trotta se promène et nous guide en commentant tous les plans qui « ouvrent » le "Septième sceau". C'est à Paris qu'elle a vu ce film - sorti en 1957, et ce fut comme une Révélation ; elle sera cinéaste alors que rien ne la prédisposait à l’être ….
Et la voici qui "musarde" elle erre dans les rues enneigées de Paris (prologue), sur la plage en Suède, en Allemagne, entre dans le restaurant préféré de Bergman: en marchant sur les "pas" de son Maître, elle arpente son passé.
Témoins, acteurs, comédiennes (dont Liv Ullman) réalisateurs (Assayas Carlos Saura ou Ostlund entre autres ) collaborateurs, membres de la famille et le documentariste Stig Björkman, se prêtent au jeu des questions/réponses; et ces interviews entrecoupées d’images d’archives (dont celle de l'enterrement ) et d’extraits de films (Persona, le Septième sceau, Les fraises sauvages, Les forains, le miroir, Scènes de la vie conjugale, Fanny et Alexandre, Saraband) composent une sorte de puzzle d’où émerge la personnalité du cinéaste - ses exigences en tant qu’artiste, ses « manques » ou « tares » en tant que père ou amant...ses obsessions et ses cauchemars (Olivier Assayas insiste par exemple sur le rôle de l'enfance dans la filmographie de l'auteur)
Daniel (fils de Bergman et de la pianiste Kabi Laretei) lui-même cinéaste évoque la difficulté à grandir dans l’ombre d’un tel génie avant que retentisse cet aveu "depuis qu’il est mort jamais il ne m’a manqué" ; plus facétieux Ruben Ostlund -palme d’or à Cannes 2017 pour The Square – avoue carrément préférer se « marrer » avec les vidéos YouTube plutôt que disserter sur Saraband (2003) ou Persona. (1966) À l’inverse il faut entendre le scénariste Jean-Claude Carrière, exégète de Persona,, ce film à la beauté inégalée
En partant sur les traces du cinéaste et celles de son propre passé Margarethe von Trotta propose ainsi un regard original sur des "destins croisés" (rappelons que le film Les années de plomb figure sur la liste des 11 films préférés de Bergman ....)
Un documentaire à voir (absolument)
Colette Lallement-Duchoze