23 août 2023 3 23 /08 /août /2023 08:17

de Nuri Bilge Ceylan  (Turquie 2022 3h20)

 

 avec  Deniz Celiloğlu (Samet), Merve Dizdar (Nuray), Musab Ekici (Kenan)...

 

Festival Cannes 2023 prix d’interprétation féminine (Merve Dizdar)

Samet est un jeune enseignant dans un village reculé d’Anatolie. Alors qu’il attend depuis plusieurs années sa mutation à Istanbul, une série d’événements lui fait perdre tout espoir. Jusqu’au jour où il rencontre Nuray, jeune professeure comme lui…

Les herbes sèches

Une immensité neigeuse telle un linceul envahit l’écran tout comme elle mêle en une confondante unité le ciel et la terre; un point noir, un homme, minuscule virgule sur et sous cette voûte. La caméra par un travelling avant puis arrière l’habille dans une corporéité, … si fragile, face à la splendeur muette du paysage.. C'est la scène d'ouverture

Nous sommes en Anatolie ; l’homme est ce professeur d’arts plastiques dans le collège d’un village isolé. Un bus l’a déposé. Il marche. Il est taraudé par une obsession « être muté à Istanbul » Le lieu serait-il responsable de son « mal-être » ? ce que laisse entendre une voix off, la sienne

Voix off (qui duplique le réel tout comme les photos prises par Samet s’en viennent figer momentanément la narration) voix multiples qui s’affrontent (celles de la hiérarchie lors d'une  convocation pour gestes déplacés sur des collégiennes, celles des collègues entre eux dans les évaluations personnelles, celles qui opposent deux façons d’appréhender le monde et d’agir sur lui, celles qui condamnent ou s’auto-congratulent, font le procès de la société, dénoncent ses redoutables hypocrisies, celles de voisins villageois), voix sirupeuse et manipulatrice du « maître » qui désarçonne avec cynisme l’obéissance convenue de « l’élève »: le film est traversé par des blocs de discussions dans lesquelles Samet donne une image peu sympathique de lui en tant qu’être humain et en tant qu’enseignant. Trop d’ambivalences : il méprise cet univers autant qu’il s’ingénie à attirer l’attention de tous  sur lui !!! (Nuray saura le "pousser dans ses retranchements")

L’essentiel du film oppose intérieurs (où la lumière les clairs obscurs, une caméra fixe ou des champs-contrechamps sont les témoins « chaleureux » de longues discussions philosophiques et/ou politiques) et des extérieurs (filmés de jour avec la récurrence de cette scène de la quête de l’eau comme une pause salvatrice ou filmés de nuit avec ce jeu des ombres presque maléfiques et le crissement des pas sur le tapis de neige). Et quand vers la fin le film bascule vers l’été (admirable surimpression entre les flocons de la neige hivernale et les herbes sèches de l’été) le personnage principal est censé avoir résolu sa quête (filmé de dos il gravit une colline tapissée d’herbes sèches ou surplombant un espace jusque-là enfoui sous un blanc manteau et qui soudainement se révèle dans sa palette de couleurs ocres et vertes et ses sensuelles rondeurs) .

En fait il prend surtout conscience de ses désillusions …Or certains « décrochages » à l’intérieur d’une séquence (dont le plus énigmatique est le changement d’axe lors du duo "amoureux" Samet/Nuray) ne nous avaient-ils pas déjà alerté? L’acteur Deniz Celiloğlu impressionne dans sa façon d’incarner un homme aux « visages » multiples,,  de mettre à nu ses ambiguïtés. Samet  ne serait-il pas comme ces herbes sèches qui hélas n’ont pas le temps de verdir ???

 

Un film à ne pas rater !!

 

Colette Lallement-Duchoze

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