de Nuri Bilge Ceylan (Turquie 1997)
avec Mehmet Emin Toprak : Saffet Havva Saglam : Hulya Cihat Butun : Ali Fatma Ceylan : la grand-mère Mehmet Emin Ceylan : le grand-père Sercihan Alioglu : le père Semra Yilmaz : la mère Latif Altintas : l'instituteur Muzaffer Özdemir : Ahmet le fou
Les années 1970 dans un petit village turc. Au fil des saisons, une fille et son frère se frottent au monde adulte, à sa complexité, à sa cruauté, alors que le temps de l'enfance se déploie lentement
Premier long métrage -jusque-là inédit en France- Kasaba est une chronique familiale (Nuri Bilge Ceylan adapte un récit écrit par sa soeur Emine Ceylan, inspiré des souvenirs de leur enfance commune dans une petite ville reculée d'Anatolie dans les années 1970 )
Son découpage correspond aux saisons et le point de vue adopté est celui des deux enfants.
Un noir et blanc (souvent charbonneux) avec des effets de contraste surprenants (cette plume d’un blanc duveteux sur laquelle souffle un écolier dans une salle de classe « sinistre » ; ce cauchemar de l’enfant qui compare sa mère à cette tortue agonisant lentement, et qui la voit s’écrouler de sa masse noire dans l’embrasure de la fenêtre, cette silhouette du jeune oncle qui se détache sur un chemin sinueux afin de rejoindre la ville …un rêve jamais réalisé !!!).
Une chronique qui contient déjà des « thématiques » chères au cinéaste turc : le problème des « racines » à la fois historiques et géographiques, la guerre, la mort. Une chronique ou plutôt une évocation « nostalgique » parfois « amère » La première séquence, un hiver, une salle de classe, invite immanquablement à établir un parallèle avec le dernier film « les herbes sèches » (les rapports presque sadiques entre maître et élève ; la gamine humiliée devant tous ses camarades : car sa gamelle, que l’instituteur a reniflée, ne contenait que des produits périmés à l’odeur méphitique…
On retiendra la longue séquence du piquenique en forêt dans laquelle les « adultes » discutent (vie chère, mesquineries reproches) ou racontent (la geste d’Alexandre le Grand par exemple) alors que leurs paroles sont comme intériorisées par les deux enfants et que les reflets du feu irisent les visages d’une pâle lueur; mais aussi ce très gros plan sur les yeux de l’âne que des mouches s’en viennent douloureusement importuner et en contrepoint l’œil moqueur d’Ali ; ou encore ce très gros plan sur ce visage du « fou » qui a chuté sur la plaque de verglas et qui est la risée des gamins…
Kasaba un récit minimaliste, qui révèle déjà les exigences de son auteur (dont le sens de l'image, du cadre, et la capacité à transcender le quotidien le plus banal)
Un film à ne pas manquer !
Colette Lallement-Duchoze