programme de deux courts métrages inédits La voix humaine (2020) et Strange way of life (2023)
La Voix Humaine (2020)
drame théâtral avec Tilda Swinton
Depuis trois jours, une femme, recluse dans son appartement avec un chien, attend avec fébrilité l'appel de l'homme qui l'a récemment quittée. Tandis qu'elle sombre dans le désespoir, la sonnerie du téléphone retentit et la sort de sa torpeur
"Mon rêve était de disparaître avec toi, n’importe où".
Un décor (théâtre ? cinéma ?) un plateau désert (parce que déserté par ?) une femme éblouissante dans une robe (Balenciaga ?) d’un rouge éclatant ; puis toute de noir vêtue (comme si elle changeait à la fois de peau et d’intériorité) ; seule, elle arpente comme hébétée des lieux dont la facticité contraste avec le tourment profond (que nous devinons).
Suit un générique facétieux : des instruments des ustensiles de quincaillerie agencés en forme de lettres
Le décor -une vue aérienne prouve, si besoin était, que les "pièces" sont agencées en enfilade pour un espace provisoire et sophistiqué – sera celui d’un appartement. - soit une « boîte » dans une plus grande ! Une hache délicieusement empaquetée, un chien en laisse, ou déboussolé, des produits de beauté de marque jouxtant des boîtes de comprimés, un costume noir épousant sur le lit le corps de l’absent !!! nous suivons la femme d'une pièce à l'autre dans l'attente fébrile d'un appel téléphonique
Almodovar va revisiter le texte de Cocteau en l’actualisant et en l'irriguant de ses propres appétences
Il reste fidèle à certains extraits du monologue de 1930 - des plans rapprochés ou gros plans sur le visage de Tilda Swinton quand elle répond à l'appel tant attendu, saisissent le désarroi d'une femme abandonnée et recluse (même si fanfaronne elle avoue avoir "bien profité" de la Vie!!!
Le décor devient un personnage à part entière: mobilier tableaux luminaires, bar en bois courbé, chaises Art déco à imprimé léopard, couleurs; apparemment tout cela contraste avec les tenues si ajustées que porte Tilda Swinton -même si leurs couleurs sont éclatantes. On sait les exigences du cinéaste espagnol pour créer harmonies ou dysharmonies entre un "environnement" et ses personnages
La pièce de Cocteau revisitée aura une fin ouverte - sens propre :sur l’extérieur, après l'enfermement ; sens figuré sur un futur désormais maîtrisé Délaissée par l'infidèle , la femme impose sa voix au chien (qui n'obéissait jusque-là qu'à son maître) et surtout change la donne, elle sera " maîtresse" de son propre destin ! (ah l’impériale Tilda Swinton) . De TOUT faire table rase: en mettant le feu à l’appartement elle brûle aussi ce qui la reliait à l’homme (costume déjà lacéré à coups de hache, valises -qu’il était censé venir chercher-, et surtout illusion de l’amour….)
Un court métrage d’une puissance à la fois suggestive et flamboyante
Un court métrage à ne pas rater !
Colette Lallement-Duchoze