2 février 2023 4 02 /02 /février /2023 08:50

de Charlotte Wells (USA, G-B 2022) 

 

avec Paul Mescal, Frankie Corio, Celia Rowlson-Hall

 

Cannes 2022 Semaine de la critique prix French Touch

 

Grand Prix festival de Deauville 2022

À la fin des années 1990, Sophie, onze ans, et son père Calum passent leurs vacances dans un club de la côte turque. Ils se baignent, jouent au billard et profitent de la compagnie complice de chacun. Calum devient la meilleure version de lui-même lorsqu’il est avec Sophie. Sophie, quant à elle, pense que tout est possible auprès de lui.  Lorsque la jeune fille est seule, elle se fait de nouveaux amis et vit de nouvelles expériences. Tout en savourant chaque moment passé ensemble, une part de mélancolie et de mystère imprègne parfois le comportement de Calum. Vingt ans plus tard, les souvenirs de Sophie prennent une nouvelle signification alors qu’elle tente de réconcilier le père qu’elle a connu avec l’homme qu’elle ignorait.

Aftersun

En 2015 le court métrage « mardi » (visible actuellement sur Mubi) évoquait une étrange relation père/fille. Père absent (mort ?) mais dont la  "tangibilité"  était omniprésente ; en 2022 dans Aftersun c’est un père que l’on  "ressuscite"  20 ans après avoir filmé une semaine de vacances dans une station balnéaire turque (avec cette même tangibilité et la puissance suggestive des ellipses et non-dits)

Dans ce premier long métrage, Charlotte Wells  va non seulement jouer avec les temporalités (fin des années 1990 et 2021) mais au montage les faire voler en éclats (à l’instar de cette scène récurrente aux lumières stroboscopiques où l’on devine le visage de Sophie adulte dans une boîte de nuit et le corps de Calum dansant, dans l’étreinte audacieuse du passé et du présent « recomposés »). Un film "construit"  tel ce tapis aux motifs géométriques sur lequel s'allonge Calum alors que le vendeur propose un thé sucré ? 

Des images prises au caméscope se superposent à celles de la  "mémoire" , bribes du temps et images mentales ( ?) Sophie enfant n’a peut-être pas perçu le mal-être de son très jeune père  (le dos envahit l’écran un dos qui tressaille de sanglots ; dans la transparence gris-bleuté, le corps bientôt s’efface rejoignant les flots ; après avoir accompagné sa fille à l’aéroport le père arpente seul la froideur d’un immense couloir et franchit les portes.... du néant  (?) ; autant d’indices de "fêlures" qui aujourd’hui s’imposent à la  "mémoire"  de Sophie adulte; indices ou interprétations ? On ne le saura pas, n’était-ce au montage la succession de ces deux plans : l’image ultime de l’enfant disant « au revoir » au père à l’aéroport et celui  où songeuse, le visage marqué par la douleur,  elle est assise sur le canapé -un raccord -révélation? 

Avec délicatesse et par la force suggestive des non-dits, Charlotte Wells nous fait ainsi pénétrer l’univers mental de Sophie: dans lequel le visionnage du passé  se nourrit de douloureuses questions dont les réponses vont rester  comme en  suspens

Et il en va de même pour le spectateur ; spectateur alerté dès la séquence liminaire faite d’une succession rapide d’images décomposées morcelées comme les fragments d’un puzzle à reconstituer. Mais bien vite c’est le quotidien d’une semaine ensoleillée qui est restitué sous forme de tableautins (piscine tai-chi repas plongée sous-marine soirées avec « gentils animateurs ») instants de grande complicité que "capture" le caméscope ; instants et durée ? instants et souvenirs? n’outrepassant pas quelques secondes ou minutes. Et pourtant des "failles"  s’en viennent égratigner le vernis des apparences en le craquelant, elles vont s’imposer avec plus d’évidence à mesure que se profile la fin de cette parenthèse enchantée …Failles précédées d’ailleurs par des aveux (je m’étonne moi-même d’être arrivé jusqu’à cet âge …alors qu’il n’est que trentenaire !! « sache que je t’aimerai toujours » « tu me diras tout tes rencontres la drogue etc.. et de préciser face à sa fille offusquée « j’ai moi-même pratiqué » paroles dont le "signifié"  avait échappé à l’enfant !!!

Aftersun ! Un film de vacances qui explorerait -dans la douleur- la perte du père ?  Un travail de remémoration qui irait de pair avec celui d’une reconstruction ?

Quoi qu’il en soit, on sera sensible au travail surprenant de mise en scène -tant sur le plan visuel que sonore- ; et à l’interprétation étonnante du duo Paul Mescal  et Frankie Corio

Un film à ne pas rater !

 

Colette Lallement-Duchoze

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