5 décembre 2022 1 05 /12 /décembre /2022 05:57

de Christophe Honoré (2021)

avec Paul Kircher,  Vincent Lacoste, Juliette Binoche, Erwan Kepoa Falé

Lucas a 17 ans quand son adolescence vole en éclats. Il voit sa vie comme une bête sauvage qu'il lui faut dompter. Alors que son frère est monté à Paris et qu'il vit désormais seul avec sa mère, Lucas va devoir lutter pour apprendre à espérer et aimer de nouveau.

Le Lycéen

 

Le visage de Lucas (Paul Kircher) -filmé en frontal- envahit l’écran -alors qu’une voix intérieure au phrasé si particulier dans la nonchalance, met en lumière la souffrance, celle d’une incomplétude et d’un éclatement de l’être profond ; cette même voix semble se dédoubler, s’adressant au spectateur qui capte ce murmure sur les lèvres. Une temporalité émiettée à l’instar du ressenti douloureux ? (le propos est postérieur à la tragédie - un autre indice conforte cette affirmation : sur le bord de la route, vision fugace d’un bouquet funéraire.) Superposition ou enchevêtrement entrecroisement grâce à des ellipses?. Ce qui d’ailleurs présidera à certains moments d’intensité extrême dans le film ; ou bien le temps morcelé en trois grands mouvements (la dévastation après l’annonce de la mort du père, l’escapade parisienne, le retour/résilience après les abysses, l’enfermement dans le mutisme) ne serait que partiellement fragmenté dans le flux du précipité : vivre à tout prix, coûte que coûte, tout expérimenter.

Lucas court il est en short, plan suivant il est en jogging – la continuité n’était qu’apparente et cela sera répété plusieurs fois. Dislocation et/ou pouvoir cathartique pour le cinéaste ? Car le film dédié au père (on l’apprend juste avant que ne défile le générique de fin) est à n’en pas douter d’inspiration autobiographique (Christophe Honoré interprète lui-même le rôle du père de Lucas…) Mais pour un jeune de 17 ans à la vie déjà cabossée, c’est la fulgurance du vivre vite hic et nunc (au lycée Lucas avoue à son ami que leur relation ne peut être qu'éphémère); à Paris il s’insurge face à Lilio qui refuse ses avances, il accepte moyennant finance une relation fugace avec un quinqua etc…Il exulte, s'exalte dans le "tourbillon" jusqu'à cet instant de bascule !

Le Lycéen ? Une histoire de deuil et d’émancipation : la perte du père, la douleur dévastatrice, l’amertume de ne pas avoir eu de passé, la volonté d’en finir. Mais le lycéen de Christophe Honoré ne serait-il pas tout jeune homme au sortir de l’adolescence confronté à un drame? Ce que suggérerait l’article du titre, un "le" à valeur générique ?

Le lycéen ? Un drame familial et Juliette Binoche en veuve éplorée et mère aimante a le ton juste ; le frère aîné (Vincent Lacoste) sans être moralisateur dispense conseils et remontrances "Tu n'as pas le droit de te servir du chagrin comme excuse pour tout foutre en l'air et ne pas penser aux autres" ; des cadres enveloppent le trio dans la recherche d’une paix intérieure (cf. l'affiche)

Et si le réalisateur alterne avec maîtrise les très gros plans (visage nuque œil) et plans rapprochés dans la même séquence ; procédé qui culmine dans l’épisode de la douche avec ce ruissellement de perles d’eau que la main s’en vient caresser, il use et abuse de certains procédés (caméra tremblante) se complaît dans l’étirement inutile (la séquence du karaoké, ou la « relation » sexuelle inaboutie avec le quinquagénaire). Des choix qui peuvent friser l’afféterie voire l’exhibitionnisme

On dit que Paul Kircher est « la révélation » de ce film ;  Erwan Kepoa Falé (Lilio) le serait bien plus à mon avis

Malgré ces quelques bémols Le Lycéen est   un film à voir, assurément!

 

Colette Lallement-Duchoze

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